On ne sait jamais ce que la vie nous réserve. Enfant, l’auteure Kim Thuy ne savait pas qu’elle allait obtenir le statut de réfugiée en fuyant son Vietnam dans la cale d’un bateau. Jeune adulte, je ne savais pas que j’allais faire la rencontre de Kim Thuy, qu’elle allait m’offrir son premier roman et que ses mots allaient toucher quelque chose de profond en moi.
Il y a près de 2 semaines, accompagné d’un ami, je faisais mon entrée à la Place-des-Arts pour assister à une pièce de théâtre présentée dans le cadre des célébrations de la Fierté. Autour de nous, une centaine de spectateurs, une grande majorité d’homosexuels et une voisine, un visage connu, une auteure, Kim Thuy. Voyant que l’homme assis devant elle la dépassait facilement d’une tête, mademoiselle l’auteure s’est approchée de mon oreille en m’avertissant qu’elle allait sûrement devoir se coller sur moi pour voir l’action sur scène. Ma réponse, un sourire en coin : « Pas de problème, vous êtes à l’endroit idéal pour vous coller sur un homme sans qu’il n’y ait d’ambigüité. » Après avoir goûté à son éclat de rire et avoir effleuré le début d’une charmante conversation, nous avons assisté à la pièce de théâtre.
Environ 90 minutes plus tard, la moitié des spectateurs étaient debout pour ovationner le spectacle. Pendant ce temps, l’Ami, Kim et moi-même sommes restés assis. « Est-ce que c’est moi qui n’ai rien compris ? » nous a-t-elle demandé en observant la réaction des autres spectateurs. « Je n’ai vraiment pas aimé ça », a-t-elle ensuite avoué. En prenant la peine de discuter avec Kim de tout ce que nous n’avions pas aimé nous non plus, j’ai réalisé que la magnifique spontanéité non censurée de mademoiselle Thuy risquait de se rendre aux oreilles de l’auteur, qui prenait place à 3 mètres de nous. Amusé par la situation, je me suis assuré que notre trio se transporte à l’extérieur de la salle avant de poursuivre.
Plus tard dans notre discussion, le livre de mademoiselle Thuy a fait surface. « Un tout petit livre de rien du tout », précisa-t-elle, étrangement modeste. « Yeah right, un petit livre qui a eu un succès critique et populaire, et qui a reçu plein de prix depuis 2 ans », ai-je ajouté, soucieux de rendre à César ce qui revenait à César.
Le temps s’écoulait, l’énergie qui se dégageait de notre trio était belle à voir et mademoiselle Kim nous a proposé de nous donner un exemplaire de son roman. « Venez avec moi, j’ai une boîte de livres dans ma voiture. » C’est ainsi que l’Ami et moi avons suivi Kim Thuy sous la pluie battante avant de nous engouffrer dans la petite voiture jaune serein de ce petit bout de femme. En réalisant que l’Ami et moi n’étions pas un couple – en affirmant sans gêne que nous étions tous les deux bien plus beaux et plus intéressants que les deux acteurs ayant pris part à la pièce – Kim nous a dédicacé un livre chacun. S’en est suivi plus d’une heure de discussion sur des sujets que des étrangers n’abordent généralement jamais en se rencontrant. Déjà, l’Ami et moi savions que nous vivions quelque chose de spécial.
Finalement, plus d’une heure après la fin de la pièce de théâtre, Kim nous a laissé dans un café avec un exemplaire de RU, son premier roman, avant d’aller se reposer en vue de sa participation à l’émission de radio Sans Préliminaires, à la Première Chaîne de Radio-Canada, où elle a glissé un petit mot sur la fin de soirée qu’elle avait passée avec deux jeunes hommes dans sa voiture.
Quelques jours plus tard, il y a eu RU, le roman, l’inattendu, l’ébranlant, le sublime. RU, ce roman qui ne prend que trois heures de votre vie, mais qui reste gravé en vous jusqu’à la fin de celle-ci. RU, cette histoire d’exilée, de Vietnam déchiré et de Québec fait sur mesure pour réconforter. RU, ce roman de petite fille qui grandit trop vite et de femme qui ne veut plus vivre sans l’émerveillement de ses premières années.
L’écriture de Kim Thuy a le pouvoir de nous transporter où bon lui semble. Ses phrases installent des images au fond de nos yeux : des photos du passé, une idée du présent, une impression de l’entre-deux. Son vocabulaire est riche et goûteux, son histoire inimitable et toute personnelle. Rares sont les auteurs qui savent accrocher leurs lecteurs aux fruits de leur imagination, tout en les berçant avec une poésie et une musicalité littéraire qui n’ont rien d’hermétiques.
Lire Kim Thuy, c’est comme rencontrer Kim Thuy : une belle surprise, beaucoup de vérité, aucun détour, un amour de la vie qui dépasse de partout, une conscience et une inconscience du monde qui n’appartiennent qu’à elle, une envie de relire un passage, de réentendre une parole, de revoir un sourire, de revivre un souvenir, de souligner une pensée et de retrouver l’âme d’une auteure comme il s’en fait peu dans le monde.
Prenez un instant pour regarder la photo de Kim Thuy, analysez-la, ressentez-la. Suis-je le seul à y voir une blessure enrobée de résilience, une douceur entourée de mélancolie, une fragilité rattrapée par la force et un amour de la vie qui n’a de limites que dans une réalité qui ne sera jamais plus la sienne ?
Kim Thuy est une exception de femme. Une auteure de renom. Une femme qui s’apprête à lancer un nouveau roman. Et une rencontre qui gardera à jamais une place dans mon cœur de petit garçon.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin.
Il y a près de 2 semaines, accompagné d’un ami, je faisais mon entrée à la Place-des-Arts pour assister à une pièce de théâtre présentée dans le cadre des célébrations de la Fierté. Autour de nous, une centaine de spectateurs, une grande majorité d’homosexuels et une voisine, un visage connu, une auteure, Kim Thuy. Voyant que l’homme assis devant elle la dépassait facilement d’une tête, mademoiselle l’auteure s’est approchée de mon oreille en m’avertissant qu’elle allait sûrement devoir se coller sur moi pour voir l’action sur scène. Ma réponse, un sourire en coin : « Pas de problème, vous êtes à l’endroit idéal pour vous coller sur un homme sans qu’il n’y ait d’ambigüité. » Après avoir goûté à son éclat de rire et avoir effleuré le début d’une charmante conversation, nous avons assisté à la pièce de théâtre.
Environ 90 minutes plus tard, la moitié des spectateurs étaient debout pour ovationner le spectacle. Pendant ce temps, l’Ami, Kim et moi-même sommes restés assis. « Est-ce que c’est moi qui n’ai rien compris ? » nous a-t-elle demandé en observant la réaction des autres spectateurs. « Je n’ai vraiment pas aimé ça », a-t-elle ensuite avoué. En prenant la peine de discuter avec Kim de tout ce que nous n’avions pas aimé nous non plus, j’ai réalisé que la magnifique spontanéité non censurée de mademoiselle Thuy risquait de se rendre aux oreilles de l’auteur, qui prenait place à 3 mètres de nous. Amusé par la situation, je me suis assuré que notre trio se transporte à l’extérieur de la salle avant de poursuivre.
Plus tard dans notre discussion, le livre de mademoiselle Thuy a fait surface. « Un tout petit livre de rien du tout », précisa-t-elle, étrangement modeste. « Yeah right, un petit livre qui a eu un succès critique et populaire, et qui a reçu plein de prix depuis 2 ans », ai-je ajouté, soucieux de rendre à César ce qui revenait à César.
Le temps s’écoulait, l’énergie qui se dégageait de notre trio était belle à voir et mademoiselle Kim nous a proposé de nous donner un exemplaire de son roman. « Venez avec moi, j’ai une boîte de livres dans ma voiture. » C’est ainsi que l’Ami et moi avons suivi Kim Thuy sous la pluie battante avant de nous engouffrer dans la petite voiture jaune serein de ce petit bout de femme. En réalisant que l’Ami et moi n’étions pas un couple – en affirmant sans gêne que nous étions tous les deux bien plus beaux et plus intéressants que les deux acteurs ayant pris part à la pièce – Kim nous a dédicacé un livre chacun. S’en est suivi plus d’une heure de discussion sur des sujets que des étrangers n’abordent généralement jamais en se rencontrant. Déjà, l’Ami et moi savions que nous vivions quelque chose de spécial.
Finalement, plus d’une heure après la fin de la pièce de théâtre, Kim nous a laissé dans un café avec un exemplaire de RU, son premier roman, avant d’aller se reposer en vue de sa participation à l’émission de radio Sans Préliminaires, à la Première Chaîne de Radio-Canada, où elle a glissé un petit mot sur la fin de soirée qu’elle avait passée avec deux jeunes hommes dans sa voiture.
Quelques jours plus tard, il y a eu RU, le roman, l’inattendu, l’ébranlant, le sublime. RU, ce roman qui ne prend que trois heures de votre vie, mais qui reste gravé en vous jusqu’à la fin de celle-ci. RU, cette histoire d’exilée, de Vietnam déchiré et de Québec fait sur mesure pour réconforter. RU, ce roman de petite fille qui grandit trop vite et de femme qui ne veut plus vivre sans l’émerveillement de ses premières années.
L’écriture de Kim Thuy a le pouvoir de nous transporter où bon lui semble. Ses phrases installent des images au fond de nos yeux : des photos du passé, une idée du présent, une impression de l’entre-deux. Son vocabulaire est riche et goûteux, son histoire inimitable et toute personnelle. Rares sont les auteurs qui savent accrocher leurs lecteurs aux fruits de leur imagination, tout en les berçant avec une poésie et une musicalité littéraire qui n’ont rien d’hermétiques.
Lire Kim Thuy, c’est comme rencontrer Kim Thuy : une belle surprise, beaucoup de vérité, aucun détour, un amour de la vie qui dépasse de partout, une conscience et une inconscience du monde qui n’appartiennent qu’à elle, une envie de relire un passage, de réentendre une parole, de revoir un sourire, de revivre un souvenir, de souligner une pensée et de retrouver l’âme d’une auteure comme il s’en fait peu dans le monde.
Prenez un instant pour regarder la photo de Kim Thuy, analysez-la, ressentez-la. Suis-je le seul à y voir une blessure enrobée de résilience, une douceur entourée de mélancolie, une fragilité rattrapée par la force et un amour de la vie qui n’a de limites que dans une réalité qui ne sera jamais plus la sienne ?
Kim Thuy est une exception de femme. Une auteure de renom. Une femme qui s’apprête à lancer un nouveau roman. Et une rencontre qui gardera à jamais une place dans mon cœur de petit garçon.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin.
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Une rencontre à la fois en douceur et en profondeur, comme le sont l'auteure et son livre. Bravo d'avoir su saisir l'instant!
RépondreSupprimerC'est vrai qu'elle est tout à fait charmante, Kim Thuy, vous êtes chanceux d'avoir pu la côtoyer en personne!
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