lundi 10 janvier 2011

Ce roman qui valait mieux que des feux d'artifice


Soir de décembre, un certain 24 pour être plus précis, le salon familial est le témoin bien involontaire de ma bataille interminable avec le papier d'emballage qui recouvre quelques-uns de mes cadeaux. 

Parmi eux, un roman : Encore un pont à traverser, quatrième ouvrage de l'auteur et journaliste Lucie Pagé. Lorsque j'ai découvert le titre de cette brique d'environ 600 pages, un léger sourire est venu se dessiner sur mon visage. Ayant beaucoup apprécié la lecture de ses trois premiers romans (Mon Afrique, EVA, Notre Afrique), j'étais particulièrement curieux à l'idée de découvrir son dernier-né. Toutefois, j'étais loin de me douter que j'allais préférer passer la Veille du Jour de l'An en tête-à-tête avec ce bouquin, plutôt que d'aller aux soirées de festivités auxquelles on m'avait convié...

Encore un pont à traverser est un de ces romans qui dépassent tous les autres d'une tête. Les Grands Romans ne sont pas légion, mais ils existent. Ils ont généralement cette qualité  incomparable de savoir transporter leurs lecteurs. Pas seulement de leur accrocher un sourire au passage ou de les éloigner de leur quotidien, mais carrément de leur donner envie d'être au cœur de l'histoire en soi. Lorsqu'il s'agit d'un drame social et politique teinté de suspense, d'affrontements  humains et d'histoire d'amour homosexuelle interdite, dans une ville pas très loin de l'Afrique du Sud ségrégationniste des années 60 à 80, il faut le faire...

Essayer de résumer Encore un pont à traverser me semble une tâche bien délicate. Parlons d'abord d'une ville d'Afrique, d'un clan qui se tient - les Groleau - de leur envie de grandir, d'apprendre, et de faire tomber les barrières, le tout brassé dans un contexte d'apartheid et de droits humains bafoués

Histoire de justice et d'humanité un peu cliché ? Pas exactement non. Parce que Lucie Pagé y a insufflé un petit quelque chose de différent. Parmi les nombreux thèmes qu'elle a abordés dans son roman, Pagé a osé s'attarder à une homosexualité qui essaie de survivre  dans un contexte où le fait d'être né autrement que blanc est déjà une difficulté suprême. Tout au long de ce récit habilement dénué de temps morts, l'auteur réussit à parler d'amour vrai, de liberté, de liens du sang. Elle aborde de front des histoires de résistance, ainsi qu'un savoureux thriller policier qui nous jette sur le dos à toutes les 50 pages, sans jamais nous donner envie de crier à l'invraisemblance. On est juste sur le cul, du début à la fin.

Captivé, interpellé, touché, transporté, j'ai lu Encore un pont à traverser d'une seule traite. Je l'ai apprivoisé, je l'ai aimé, je m'en suis ennuyé, je n'ai plus voulu le quitter. Je l'ai lu chaque jour en craignant de voir la fin arriver. Je l'ai dévoré le coeur en chamade, la paupière humide, le souffle court, le rire aux éclats. Je sentais vibrer les palpitations de chacun des personnages comme si c'était dans mon coeur qu'elles résonnaient. 

Lire un roman divertissant, c'est bien, mais lire un roman divertissant qui donne l'impression d'être  un peu plus vivant que la veille, c'est bien mieux.

Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

2010 - Encore un pont à traverser (Libre Expression) 


4 commentaires:

  1. Mon cher Sam, tu as une telle façon d'écrire....WOW! Tu es si habile de ta plume qu'on ne sent même pas qu'il s'agit là d'une critique de roman...! Ten thumbs up!

    RépondreSupprimer
  2. Bonjour Samuel
    Merci pour les bons mots. C'est avec des gens comme vous que nous pourrons bâtir et traverser des ponts ensemble. Bonne année 2011! Lucie Pagé

    RépondreSupprimer
  3. Un mot de Lucie Pagé, je suis touché. Infiniment touché.

    Je vous admirais quand j'étudiais en journalisme et vos mots ont continué de me transporter depuis des années.

    C'est le sourire aux lèvres que ce soir je m'endormirai.

    Samuel Larochelle

    RépondreSupprimer
  4. Mon coeur de père n'a fait qu'un bond causé par l'émotion d'abord par la critique que vous faites du livre de Lucie et ensuite par l'admiration que vous avez exprimé à son égard. Mois aussi je m'endormirai ce soir avec le sourire aux lèvres.

    Pierre Pagé

    RépondreSupprimer