mercredi 25 janvier 2012

L’Opéra de Quat’Sous à l’Usine C : à quelques cheveux du grandiose

En montant l’Opéra de Quat’Sous – classique de Bertolt Brecht maintes et maintes fois revisité depuis sa création en 1928 – Brigitte Haentjens prend le risque d’être comparée aux productions très récentes du TNM en 2010 et du Trident en 2011. Heureusement pour la metteure en scène, son travail inspiré et l’équipe de surdoués qui l’entourent lui permettent d’offrir un grand moment de théâtre musical à l’Usine C jusqu’au 11 février.

Lorsque Jonathan Jeremiah Peachum, roi de la crapule et de la mendicité, apprend que sa fille Polly s’est mariée en secret avec le Capitaine Macheath, prince du crime et de la corruption, un conflit gronde dans les rues de la métropole.

C'est à Jean-Marc Dalpé qu'on a demandé d'adapter cette œuvre originalement située dans les rues de Londres et rendue dans un français international un peu trop propre. Avec le talent qu'on lui connait, le dramaturge a québécisé les dialogues et les chansons avec justesse, en plus de camper l’histoire sur le territoire montréalais avec force d’habileté. Ainsi dépoussiéré, l’Opéra de Quat’Sous nous ouvre sur un monde de mensonges, de vols, de meurtres et de trahisons où les valeurs et la morale n’ont plus leur place. La dérision avec laquelle on demande aux acteurs de se moquer des épanchements romantiques de leurs personnages est particulièrement jouissive.

Brigitte Haentjens utilise parfaitement les mots de Brecht pour nous lancer au visage une critique de notre paresse collective, nous qui nous laissons gavés par n’importe quoi, incapables que nous sommes de nous révolter. À plus d’une reprise, les acteurs s’adressent directement aux spectateurs, suggérant ainsi que les rôles puissent être inversés. Nous, spectateurs, serions finalement les personnages d’une société qui se joue de nous.

Évoluant dans une scénographie brillamment imaginée par Anick La Bissonière, les 23 artistes sur scène réussissent à captiver notre regard et notre intelligence pendant 2 h 30 sans entracte. À noter le talent incontestable des acteurs Jacques Girard, Marc Béland, Ève Gadouas, et plus spécialement celui de Kathleen Fortin. Exemple parfait d’équilibre entre le jeu, la technique vocale et la présence scénique, Kathleen Fortin est la plus grande valeur sûre du théâtre musical québécois des dernières années. Qu’on lui demande d’interpréter la méchante Mme Thenardier dans les Misérables, la douce timide Des-Neiges Verrette dans Les Belles-Soeurs ou la matriarche grossière de l’Opéra de Quat’Sous, Fortin est tout simplement parfaite. Toutes ses présences sur scène sont du bonbon.

En contrepartie, quelques-uns de ses collègues auraient tout intérêt à l’observer avec attention pour élever leur jeu d’un cran. Dans le rôle du Capitaine Macheath, Sébastien Ricard est inégal tout au long du spectacle. Le chanteur des Loco Locass n’est tout simplement pas assez fort vocalement pour transmettre les émotions qu’il tente de livrer. Ses présences sur scène ne font pas progresser l’histoire comme elles le devraient, alternant entre cruauté charismatique et détachement vers l’ordinaire. Quant à Céline Bonnier, l’actrice est tout à fait géniale dans les sections parlées de Jenny la pute, mais elle perd en solidité quand vient le temps de tenir la note. Sa voix est jolie, mais Bonnier semble manquer d’assurance et s’écoute chanter au lieu de se laisser aller. 

Malgré ces quelques bémols, l’Opéra de Quat’Sous à l’Usine C fait partie des productions qui marquent l’histoire du théâtre québécois. Bien malin celui qui osera s’attaquer à ce classique de Brecht maintenant que Brigitte Haentjens a placé la barre si haute.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
**********************************
Textes récents :
-"Musique pour Rainer Maria Rilke" au Théâtre Denise-Pelletier : vous avez dit inspirant ?
-"Le Dindon" au TNM : tant de talents au service d'un auteur qui en fait trop
-"Tristesse Animal Noir" à l'Espace GO : plus noire sur papier que dans la réalité
-"Moi, dans les ruines rouges du siècle" au Théâtre d'Aujourd'hui : aussi puissant qu'une révolution !
-"Orphelins" au Théâtre de La Licorne : impossible d'en sortir indemne !
-"Requiem pour un trompettiste" à l'Espace Libre : une série de fausses notes
-Les coups de coeur du Sage Gamin en 2011 après 1 an d'existence

lundi 23 janvier 2012

« Musique pour Rainer Maria Rilke » au Théâtre Denise-Pelletier : vous avez dit inspirant ?

Vous descendez les marches du somptueux Théâtre Denise-Pelletier d’un pas léger, vous prenez place en sachant que la pièce qui sera présentée jusqu’au 8 février s’est inspirée d’un classique de la littérature qui vous a marqué, les lumières s’éteignent et les 80 minutes qui suivent vous renversent et vous ébranlent.

De toute évidence, je fais partie des milliers, voire des millions de lecteurs qui ont été touchés par les mots de Rainer Maria Rilke dans ses « Lettres à un jeune poète ». Selon moi, tout être minimalement intéressé par la création, l’introspection et le désir de grandir en tant qu’être humain devrait lire ce livre. Ou voir la pièce qui s’en est servi comme fondements.

Dernière création du Théâtre Bluff, conçue tout spécialement pour les adolescents, mais capable de ralliée toutes les générations, « Musique pour Rainer Maria Rilke » accomplit beaucoup en très peu de temps. Le rire y côtoie l’émotion, le présent accepte de tendre une main au passé, le moderne se permet une accolade avec le classique, alors que le quotidien embrasse le plus grand que soi avec une désinvolture des plus rafraichissante.

Admirablement mise en scène par Martin Fauchier et portée par une distribution vivante et ô combien attachante (Éric Paulhus, Maxime Carbonneau, Macha Limonchik, Sophie Desmarais, Albert Millaire), la pièce écrite par Sébastien Harrison est de celle qui nous transporte au plus profond de nous. On y voit le poète, au début du siècle dernier, s’adresser à un jeune soldat tourmenté à l’idée de savoir s’il a du talent pour l’écriture. On y suit aussi un jeune adolescent de 2012, incompris par sa mère et venant tout juste de découvrir un aspect fondamental de son existence, qui se réfugie dans un livre dont il apprendra toutes les lignes par cœur. 
 
Alors que l’incommensurable sagesse du poète incite deux jeunes gens d’époques différentes à prendre le risque de fouiller en eux-mêmes, les questions et les revendications de ces derniers amènent le vieil homme à s’expliquer sur les failles de sa propre vie.

« Musique pour Rainer Maria Rilke » est une pièce brillante, touchante et inspirante qui nous laisse avec l’envie suprême de relire « Lettres à un jeune poète » et de faire un détour par ce chemin magnifique que plusieurs appellent la quête de soi.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

Théâtre Denise-Pelletier – 20 janvier au 8 février
***************************************
Textes récents :
-"Le Dindon" au TNM : tant de talents au service d'un auteur qui en fait trop
-"Tristesse Animal Noir" à l'Espace GO : plus noire sur papier que dans la réalité
-"Moi, dans les ruines rouges du siècle" au Théâtre d'Aujourd'hui : aussi puissant qu'une révolution !
-"Orphelins" au Théâtre de La Licorne : impossible d'en sortir indemne !
-"Requiem pour un trompettiste" à l'Espace Libre : une série de fausses notes
-Les coups de coeur du Sage Gamin en 2011 après 1 an d'existence


samedi 21 janvier 2012

Le Dindon au TNM : tant de talents au service d’un auteur qui en fait trop

Alors que le Théâtre du Nouveau Monde avait ravi bien des amateurs à la fin de 2011 en présentant « Ha! ah…» de Réjean Ducharme, ce sont les mots de Georges Feydeau qui prennent le relais jusqu’au 11 février. Les deux œuvres écrites à des époques diamétralement opposées ont en commun de se moquer de l’espèce humaine en la critiquant avec force d’humour, mais là s’arrête les comparaisons. L’automne dernier, on aurait pris un peu plus de Ducharme. Cet hiver, on prendrait un peu moins de Feydeau.

Bien proche parent des histoires abracadabrantes de Molière, le travail de Feydeau s’attaque au quiproquo amoureux avec fougue et enthousiasme. Un mari trompe sa femme, celle-ci se fait doublement courtiser, mais elle refuse de sauter la clôture avant d’avoir la preuve des adultères de son mari. Pendant tout près de 3 heures – avec entracte – les personnages s’entremêlent, se piègent, se mentent, se font la sourde oreille et bien plus encore.

Afin de maintenir la cohérence – à défaut de vraisemblance – de toute cette belle pagaille, le metteur en scène, Normand Chouinard, fait preuve d’une minutie d’horloger. Les 16 acteurs déploient une énergie folle afin de rendre justice à cette œuvre où la pitrerie est reine. Outre les passages où l’on demande aux acteurs de danser sans que l’histoire n’en profite d’une quelconque façon, la mise en scène de Chouinard nous captive avec rythme et intelligence jusqu'à la fin. Les centaines de spectateurs s’esclaffent de rire des dizaines et des dizaines de fois jusqu'à la fin.

Rarement a-t-on vu des acteurs tenants des rôles principaux et secondaires (Carl Béchard, Linda Sorgini, Violette Chauveau et Jean-Pierre Chartrand tout particulièrement) être aussi bons que ceux à qui l’on a confié de petits rôles (Sébastien René et Marie-Pier Labrecque en tête). Alain Zouvi fait preuve d’un talent indéniable pour la comédie du genre, mais n’arrive malheureusement plus à nous surprendre. Rémi Girard est juste et investi, mais son articulation molle et son français international déficient nous font perdre plusieurs lignes. Roger La Rue est drôle à souhait, mais son accent franglais n’est tout simplement pas à la hauteur de celui de Violette Chauveau, qui joue sa femme.

Si vous acceptez que le Dindon existe d’abord et avant tout pour vous faire rire gras et que vous êtes capables de vous farcir une comédie conjugale de plus, vous partez dans de bonnes dispositions. Néanmoins, sachez que les blagues et les pitreries du Dindon sont au théâtre ce que les chocolats bon marché sont aux sucreries : si vous ne savez pas bien les doser, ils risquent de vous tomber sur le cœur.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
**********************************
Textes récents :
-"Tristesse Animal Noir" à l'Espace GO : plus noire sur papier que dans la réalité
-"Moi, dans les ruines rouges du siècle" au Théâtre d'Aujourd'hui : aussi puissant qu'une révolution !
-"Orphelins" au Théâtre de La Licorne : impossible d'en sortir indemne !
-"Requiem pour un trompettiste" à l'Espace Libre : une série de fausses notes
-Les coups de coeur du Sage Gamin en 2011 après 1 an d'existence


jeudi 19 janvier 2012

« Tristesse Animal Noir » à l’Espace GO : plus noire sur papier que dans la réalité

J’ai un immense respect pour le Théâtre PÀP, une compagnie qui nous a habitués à des projets de qualité, mêlant risques et originalité depuis des années. En profitant de l’invitation de l’Espace GO pour présenter son nouveau projet, « Tristesse Animal Noir », écrite par la dramaturge allemande Anja Hilling, le PÀP m’a toutefois déçu pour la première fois.

Êtes-vous connectés avec vos émotions, vos pulsions et tout ce qui est enfoui sous la couche de protection que vous chérissez depuis toujours ? Quel effet aurait sur vous un feu de forêt dévastateur dans lequel vous seriez pris pendant deux jours avant que les secours n’arrivent ? Comment l'humain en vous se relèverait-il de l’inimaginable, de la perte de l’Autre et de la perte de soi ? Vous êtes-vous réellement perdus ou la vie s’est-elle faufilée pour que vous vous trouviez ? Toutes ces questions fort pertinentes sont abordées pendant les trois sections de Tristesse Animal Noir.

La première : l’arrivée de six amis insouciants dans une forêt pour un week-end loin de la ville, des discussions sur le poids à perdre de la nouvelle maman, sur la première rencontre des nouveaux amoureux et sur les idées de grandeur du jeune professionnel nouvellement papa. On comprend rapidement la volonté de Hilling de montrer la désinvolture et la surface des choses avant de plonger dans le drame, mais les clichés de ses dialogues et l’absence de complicité entre les acteurs prennent le dessus.

La deuxième : le feu, le drame, la survie. L’écriture d’Anja Hilling prend soudain une teinte plus poétique qu’au début. Notre tête comprend la beauté des images et l’habileté du verbe, mais notre cœur réalise bien vite qu’il n’est pas suffisamment sollicité. On pourrait probablement retirer davantage de ce talent pour les mots si on lisait le texte au lieu de le voir prendre forme sous nos yeux.

La troisième : le renouveau ou l’incapacité de se relever. Le traumatisme, les souvenirs, la culpabilité. L’envie d’oublier, de passer à autre chose. Clause Poissant met en scène un passage où frère et sœur subissent un interrogatoire en verbalisant les questions et les réponses entremêlées. Un autre où il laisse le soin à un acteur de se mettre en bouche les paroles d’un autre personnage. Les deux procédés sont clairs et parfaitement exécutés. Malheureusement, on se sent tenus à distance de la puissance des émotions, une fois de plus.

Même si les projections de feu et de fumée sont réussies, le choix de privilégier une scène pratiquement dépouillée de décors et de concentrer l’attention des spectateurs sur les acteurs à qui on a imposé retenue et neutralité n’est pas ce qu’il y a de plus satisfaisant. Quant aux nombreux passages musicaux, ils viennent renforcer la pièce par moments et l’affaiblir le reste du temps. Les acteurs à qui l'on demande de chanter n’étant pas constants en termes de justesse vocale et émotive. 

De toute évidence, le propos et le concept de Tristesse Animal Noir avaient de quoi susciter notre intérêt. La dernière création du Théâtre PÀP est d’ailleurs très loin d’un échec. Mais le temps se fait long à l’Espace GO.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

Espace GO – 17 janvier au 11 février
******************************
Textes récents :
-"Moi, dans les ruines rouges du siècle" au Théâtre d'Aujourd'hui : aussi puissant qu'une révolution !
-"Orphelins" au Théâtre de La Licorne : impossible d'en sortir indemne !
-"Requiem pour un trompettiste" à l'Espace Libre : une série de fausses notes
-Les coups de coeur du Sage Gamin en 2011 après 1 an d'existence

dimanche 15 janvier 2012

« Moi, dans les ruines rouges du siècle » : aussi puissant qu’une révolution (CRITIQUE)

À l’image d’une révolution qui prend son temps avant d’ébranler les plus solides rouages d’une société, « Moi, dans les ruines rouges du siècle » vient fragiliser les spectateurs morceau par morceau. Écrite et mise en scène par Olivier Kemeid, l’œuvre présentée en reprise au Théâtre d’Aujourd'hui du 10 au 21 septembre est une magnifique occasion pour le Québec de raconter l’étranger et pour l’étranger de permettre au Québec de se comprendre davantage.

Olivier Kemeid s’inspire du destin incroyable de Sasha Samar, un acteur ukrainien travaillant sur les planches du Québec depuis quelques années. Dans l’URSS des années 70, les parents de Sacha se déchirent lentement, la mère quitte le noyau familial et le père s’assure de n’être jamais séparé de son fils adoré, quitte à lui mentir volontairement afin qu’il oublie l’existence de sa mère.

L’indépendance de l’Ukraine en 1991, la relation trouble que Sacha entretient avec son père, les histoires de sport, de théâtre et d’armée, le quotidien communiste de l’époque, le désir inépuisable de retrouver sa mère : tous les éléments de la petite et de la grande histoire de Sasha se côtoient avec une habileté remarquable.

Robert Lalonde, Annick Bergeron et Geoffrey Gaquère excellent dans chacun de leurs rôles. Après avoir vu Sophie Cadieux tenir des rôles majeurs dans plusieurs productions théâtrales au cours de la dernière année, en plus de ses apparitions à la télévision et au cinéma, on trouve les décideurs montréalais bien peu originaux, mais on finit une fois de plus par craquer devant tout son talent.

Finalement, il y a Sasha, cet acteur au regard de petit garçon, débordant de naturel, capable de porter sur ses épaules une pièce qu’il est visiblement ému de nous raconter.

À la toute fin, on sort du Théâtre d’Aujourd’hui un peu plus humain et un peu plus respectueux face à la vie.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

mercredi 11 janvier 2012

« Orphelins » au Théâtre La Licorne : impossible d’en sortir indemne !

Grâce au doigté avec lequel il dirige la pièce « Orphelins », écrite par Denis Kelly et traduite par Fanny Britt, le metteur en scène Maxime Denommée fait du théâtre qui remue et qui ne nous quitte plus. Du théâtre qui réussit à faire déraper les centaines de spectateurs du Théâtre de la Licorne. Du théâtre comme on l'aime.

Le dramaturge Denis Kelly n’a pas l’habitude de jouer dans la dentelle. Préférant tirer les ficelles d’une histoire débordant de fausses vérités qui se déchirent avec le temps, l’auteur se révèle aussi percutant avec "Orphelins" qu’il l’avait été avec "Après la fin", en 2008.

Les orphelins de Denis Kelly, Helen et Liam, frère et sœur unis devant l’adversité, voient leur triangle complété par Danny, l’amoureux de Helen. Le soir où Liam débarque à l’improviste chez le couple avec un chandail rempli de sang, la machine à questions s’emporte. Qu’est-ce qui s’est passé ? Qui est ce jeune adolescent victime d’une attaque vicieuse que Liam dit avoir aidé ? Doit-on appeler la police au risque d’incriminer Liam, qui s’est retrouvé sur les lieux par hasard ? Jusqu’où Helen est-elle prête à aller pour défendre son frère ? Danny acceptera-t-il d’embarquer dans la manigance ou est-il trop lâche pour bouger ? Peut-on réellement faire confiance à Liam ?

Le texte de Kelly est d’une richesse infinie. Habillement traduit par Fanny Britt - qui a su transposer en québécois la quantité de non-dits, d’hésitations et de vérités en demi-teintes - le travail de Kelly met en lumière deux concepts fondamentaux : la peur de l’autre et le sens de la famille. En quelques minutes, les spectateurs sont plongés dans une série de rebondissements et de réflexions sur les dérapes xénophobes de notre société. Les Étrangers sont-ils coupables jusqu’à preuve du contraire ? Doit-on protéger l'un des nôtres envers et contre tous ? Combien valent notre unité et notre confort ?

L’écriture de Denis Kelly est rythmée, punchée, drôle et intensément dramatique. Ses personnages sont forts et incarnés. Son histoire nous traverse le corps, sans nous vider ou nous abattre. Ses mots nous réveillent et nous obligent à remettre en questions nos propres valeurs.

La direction d’acteurs est impeccable. Évelyne Rompré, Étienne Pilon et Steve Laplante maitrisent la langue toute particulière du tandem Kelly-Britt et n’hésitent pas à mettre leurs tripes sur la table. Ayant à leur disposition une histoire puissante, écrite et mise en scène avec talent, les trois acteurs font d’Orphelins un grand moment de théâtre. Et de société.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

Théâtre La Licorne – 10 janvier au 18 février
************************************
Textes récents :
-"Requiem pour un trompettiste" à l'Espace Libre : une série de fausses notes
-Les coups de coeur du Sage Gamin après 1 an d'existence

mardi 10 janvier 2012

« Requiem pour un trompettiste » au théâtre de l’Espace Libre : une série de fausses notes

Présentée à l’Espace Libre du 10 au 21 janvier, « Requiem pour un trompettiste » est l’une des pires pièces de théâtre des dernières années. Cette production torontoise du Théâtre La Tangente est présentée comme une œuvre politique inspirée d’un scandale où les demi-vérités font loi, alors que ce n’est rien d’autre qu’un ramassis de clichés qui réussissent à se noyer en surface.

La mise en scène de Requiem pour un trompettiste avait pourtant de quoi nous interpeller. À l’entrée de la salle, les spectateurs doivent choisir laquelle des deux parties du spectacle ils verront en premier : celle à la mairie ou celle à l’hôtel. Une fois assis dans un des deux espaces, ils se voient remettre des écouteurs afin d’ajouter une trame sonore au spectacle. On s’imagine alors profiter des forces du théâtre associées à l’habillage musical continu auquel le cinéma nous a habitués. Malheureusement, la musique est à peine plus intéressante que celle d’un ascenseur, les micros de certains acteurs ne fonctionnent pas et le dispositif des écouteurs finit par être abandonné à l’entracte, faute d’efficacité satisfaisante.

Quand vient le temps pour les spectateurs de traverser dans le deuxième espace, ils entendent les acteurs des deux parties en même temps, étant donné qu’ils n’ont plus d’écouteurs fonctionnels sur les oreilles pour s'isoler. Une telle situation aurait été sincèrement frustrante si elle nous avait fait perdre des passages intéressants, mais l’intérêt de cette pièce est quasi inexistant. Les dialogues sonnent aussi creux que ceux d’un mauvais téléroman et l’histoire est aussi clichée qu’invraisemblable.

D’un côté, une maîtresse désemparée, un homme marié bourru, un valet de chambre puceau qui tombe amoureux de la belle, des entrées et sorties dignes d’un théâtre d’été, avec les rires en moins. De l’autre, le marié bourru est le maire d’une ville où de nombreux citoyens meurent contaminés par un élément connu de l’administration municipale. Bien entendu, certaines phrases banales sur la façon de camoufler la vérité ou de se déresponsabiliser des scandales nous font penser aux voltes-faces du gouvernement Charest ou à l’ignorance perpétuelle du maire Tremblay, mais vraiment rien qui vaille le déplacement.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

Photo : Aurélien Muller