Depuis mon arrivée dans la métropole, j’ai enfilé pièce de théâtre sur pièce de théâtre. Du drame, de l’absurde, du trash, du vaudeville, du verbeux, du théâtreux, du j’aime-dont-ça-m’écouter-parler, du contemporain, du futuriste, du vieillot, bref, à peu près de tout. Pourtant, je n’avais jamais rien vu qui ressemblait au Pillowman. Jamais.
Cette pièce, écrite par l'auteur irlandais Martin McDonagh, elle se résume bien difficilement. Elle possède le talent de nous perdre volontairement, de nous semer en chemin, de nous débarquer là, l’air de rien, prête à nous donner le prochain grand coup.
Mais bon, essayons tout de même de résumer… Un employé d’abattoir (Antoine Bertrand) passe ses temps libres à écrire des contes abominables mettant en scène des enfants, en s'assurant d'offrir une nouvelle dimension au mot « souffrance ». Du genre Patrick Sénécal sur l’acide. L'homme vit dans un état totalitaire où, comme par hasard, les enfants disparaissent, se font torturer, et sont retrouvés morts et bafoués. L'homme, affublé d'un frère (Frédéric Blanchet) emprisonné dans le monde de l’enfance, il écrit des histoires comme il égorge des cochons : faut que ça saigne et que ça écœure. Un jour, les autorités commencent à s'interroger. Y aurait-il un lien de cause à effet entre les contes du boucher et les affres de la réalité. Cet écrivain aurait-il donc à ce point d’influence sur la société ?
Pour être tout à fait franc, j’ai sincèrement détesté Le Pillowman. Précisément parce que c’est trop bon, trop bien fait. Le texte de McDonagh pose des questions dérangeantes et met en relief des réalités qu’on ne veut pas voir. Le Pillowman est sale, brutal, malade. La pièce est portée par Antoine Bertrand et Frédéric Blanchet qui s’oublient à travers leurs personnages et qui démontrent à grand renfort de fragilité à quel point ils sont des acteurs d’une étonnante solidité. « Deux tas de testostérones qui font de la dentelle », comme le dit si bien le brillant metteur en scène Denis Bernard. Plus la pièce avance, moins on comprend qui fait quoi, qui dit vrai, ou pourquoi il l’a fait.
Le Pillowman est une pièce coup de poing. Après 40 minutes : K.O. technique, décision unanime des juges. Je n'avais plus envie d'être là. Pourtant, il me restait encore une heure à me tortiller et à prier pour que ça cesse.
Ma candeur et mon talent pour le beau venaient de se faire écraser par le laid, mais du laid extrêmement bien fait. Chapeau !
Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
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