samedi 13 avril 2013

« Yukonstyle » au Théâtre d’Aujourd’hui : la terre de tous les possibles (CRITIQUE)



À chacune de ses nouvelles créations, Sarah Berthiaume démontre qu’elle possède un talent inouï pour raconter les blessures de l’humanité avec sensibilité et subtilité. Avec Yukonstyle, la jeune auteure confirme sa place parmi les dramaturges dont on attendra désormais toutes les pièces avec impatience. 

Près d’un an et demi après avoir enflammé la salle Jean-Claude Germain avec sa vision lucide, brillante, drôle et touchante de Kandahar, Pompéi, Gagnonville et le Quartier Dix-30 de Brossard dans Villes Mortes, Berthiaume revient à la charge avec une histoire campée dans Whitehorse la sombre. Après 4 jours et 4 nuits dans un autobus Greyhound à traverser le Canada et quelques semaines à s’imprégner de l’immensité du territoire yukonais, l’auteure est revenue au Québec pour créer une courtepointe avec les personnages marquants qui ont croisé sa route.

De son imagination sont issus Yuko, la Japonaise de six pieds qui a tout plaqué pour déménager au Yukon, l’endroit où le taux d’immigration japonaise est le plus faible au monde ; Garin, son colocataire métis en crise identitaire, depuis la disparition de sa mère, une prostituée autochtone ; son père, Dad’s, noyé dans l’alcool et les souvenirs de celle qui a quitté Whitehorse avec son âme ; et Kate, une adolescente habillée selon le style des manga japonais, qui se meurt d’exister pour avoir enfin quelque chose à dire. Rongés par les souvenirs, les envies, les hallucinations et les mots qu’ils ne savent pas dire, les quatre personnages se rassembleront autour de leur solitude, réussissant à comprendre et compenser leurs carences respectives. 

En plus de raconter le quotidien avec des mots débordant de vérité, de candeur et de simplicité, Sarah Berthiaume trouve le moyen d’insérer de grands élans fantastico-poétiques inspirés par ce coin de pays larger than life, sans le moindre déséquilibre dans le rythme ou la cohérence de l’histoire. Jamais le langage plus soutenu ne semble trop appuyé et jamais les scènes réalistes ne semblent caricaturales. Dans Yukonstyle, tout est dosé avec finesse. 


L’histoire de la jeune auteure est portée par une distribution en tous points impeccable. Sophie Desmarais livre l’une des meilleures interprétations de personnage adolescent depuis des années, avec un bagou, une énergie, des réflexes et des intonations crédibles et divertissantes. Cynthia Wu-Maheux est tour à tour impériale, puissante, fragile, amoureuse et juste dans chacun de ses personnages. Vincent Fafard interprète avec un talent rare la force brute de son personnage, son côté renfrogné, sa mâlitude et sa vulnérabilité qui craque de partout. 

Au final, Yukonstyle est une histoire universelle de quête de soi, de solitude, d’affranchissement et d’esprit de communauté qu’on n’est pas sur le point d’oublier. 

Yukonstyle 
Théâtre d’Aujourd’hui
9 avril au 4 mai 2013

2 commentaires:

  1. Merci Samuel Larochelle d'être ce que tu es. Merci pour ce que tu exprimes et pour ce que tu transmets.

    C. L. (Ottawa)

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  2. Oh, merci ! Ça fait du bien des petits mots comme ça.

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