Même si les téléjournaux croulent sous les nouvelles au sujet des élections municipales, des scandales au Sénat, de la commission Charbonneau et du projet de la Charte des valeurs québécoises, le Théâtre Jean Duceppe a trouvé le moyen de mettre à l’affiche une pièce qui tourne autour de la politique et qui réussit à nous captiver, nous émouvoir et nous surprendre.
Le dramaturge Jean-Rock Gaudreault a imaginé l’histoire de Rosaire Bouchard (Michel Dumont), ancien député provincial du comté de Roberval, assurément péquiste, et ex-maire de Péribonka, au Lac-Saint-Jean. La pièce s’ouvre sur le retour du vieux Jeannois, après un voyage autour du monde où il a tenté de « retrouver » sa femme, récemment décédée. En continuant de panser ses plaies au chalet du couple, il fera appel à sa complice et infatigable organisatrice électorale, Solange Lemieux (Pauline Martin), pour devenir à nouveau député. Véritable électron libre qui n’a jamais eu la langue dans sa poche, l’homme recevra la visite d’un conseiller politique (Pierre-François Legendre) de la haute direction du parti, qui veut s’assurer de la bonne tenue du vieux renard, à l’ère des réseaux sociaux et des courses à l’intégrité.
La pièce de Gaudreault regorge de thématiques aussi intéressantes que pertinentes : la confrontation des générations sur les méthodes électorales, la vision de la région et de la grande ville (en évitant la caricature), et plus spécialement, l’héritage sociétal et politique des baby-boomers. Cette génération qui a trouvé la machine à imprimer de l’argent, qui a inventé le concept de liberté 55, qui a investi dans la famille une fois que le taux de natalité avait atteint 1,2 enfant par famille et dans la santé en réalisant que la population (eux-mêmes) vieillissait. Le jeune conseiller politique lancera même une phrase percutante au vieux Rosaire : « Vos idées sont dépassées, vous le savez, mais vous êtes encore trop nombreux pour que ça change… »
Le rêve d’un pays québécois, l’environnement, l’emploi, les stratégies internes de parti politique, le charisme des candidats, les vieux rêves d’hommes au crépuscule de leur existence et une vision nuancée de l’amour sont également des sujets abordés avec lucidité, acuité, originalité et sensibilité dans cette création québécoise.
En plus de miser sur un texte à la fois profond, rythmé, confrontant et très divertissant, La traversée de la mer intérieure peut compter sur un quatuor d’acteurs inspirés. Marc Legault joue un vieux philosophe aussi brillant que perdu, mais toujours émouvant. Pauline Martin et Pierre-François Legendre sont tous les deux investis, vifs, drôles et fort complices avec Michel Dumont, qui mène le bal.
Capable d’interpréter un Rosaire Bouchard fort et vulnérable, torve et bourré d’humanité, l’acteur possède une telle présence qu’on voterait pour lui s’il se présentait sous n’importe quelle bannière politique, tant il dégage une énergie inspirante, puissante et réconfortante.
Du très, très beau théâtre.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Mon roman, « À CAUSE DES GARÇONS » est en librairies partout au Québec depuis le 25 septembre : http://editionsdruide.com/livres/nouveautes/a-cause-des-garcons/
LA TRAVERSÉE DE LA MER INTÉRIEURE
30 octobre au 7 décembre 2013 - Duceppe
http://duceppe.com/piece/la-traversee-de-la-mer-interieure
*Crédit photo : François Brunelle
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire