samedi 17 novembre 2012

« Christine, le Reine-Garçon » au TNM : quelque chose comme un triomphe


Une odeur de consécration flottait dans l’air du Théâtre du Nouveau Monde au terme de la première de « Christine, la Reine-Garçon ». Misant sur une équipe de création dont la somme de tous les talents à quelque chose de presque insensé, l’histoire de la reine de Suède répond aux attentes dangereusement élevées qui la suivent dans son sillage. 

Christine de Suède, élevée comme un garçon, féministe avant l’heure, avide de connaissances et de traités de paix, titillée par cette expression nouvelle que l’on nomme « le libre arbitre », est de celles et de ceux qui poussent le peuple à s’éduquer et se prendre à mains. Alors que son entourage immédiat n’a d’autres ambitions que de lui trouver un roi pour l’épauler et l’engrosser, quitte à suggérer le parti d’un cousin ou d’un frère pour la marier et lui ouvrir les jambes, la reine scandinave se montre de plus en plus hostile aux enseignements de Luther. Fascinée par les théories de Descartes, interloquée par les motivations de l’humain et de l’amour, elle tentera d’apprivoiser les aléas incongrus de son cœur qui bat pour une femme, la Comtesse de Spare. 

À travers les mots de Michel-Marc Bouchard, les effluves du tragique se mêlent au comique et au grinçant pour former un doux parfum de scandale. Les trahisons fusent, les vérités éclatent, les déclarations s’enflamment, les mensonges se précipitent, alors que la reine tente de survivre, de réfléchir à sa condition et de s’élever au rang de ceux qui n’appartiennent à personne. En plus de ses coups de gueule et de ses drôleries surprenamment bien incorporées au reste du drame, l’histoire de la reine garçon est enveloppée d’un romantisme à faire pâlir d’envie bien des poètes.  

Nécessitant la rigueur des alexandrins, sans en avoir la structure, les rimes ou la lourdeur, les mots du réputé dramaturge sont délicieusement mis en bouche par une brochette d’acteurs sans pareil. Céline Bonnier en reine garçon, virile et vulnérable, solide et fragile, dangereusement souveraine. Magalie Lépine-Blondeau, dont la volupté et l’intensité justifient à elles seules qu’une reine tourmentée envisage tourner le dos à son peuple pour l’aimer. Éric Bruneau, parfait dans le rôle du frère arriviste, vaniteux et sans scrupule. Catherine Bégin la reine déchue, compose avec habileté un personnage étonnamment cruel et dénué d’humanité.

La mise en scène de Serge Denoncourt apporte quant à elle un souffle incontestable à l’aventure. Avec une scène pratiquement dépouillée de décor, une ambiance froide et austère où le mouvement se fait néanmoins perpétuel, des costumes sombres et rigides à des années-lumière du clinquant italo-français et une direction d’acteurs précise, riche et surprenante, on ne peut faire autrement que d’aligner cinq petites lettres qui résument si bien notre pensée : bravo.

« Christine, la Reine-Garçon » possède tous les éléments qui font du théâtre un art dont on ne peut se passer : vérité, surprise et grandeur.

TNM - 13 novembre au 8 décembre



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