Ce n’est pas pour rien que « Billy (les jours du hurlement) » a valu à Fabien Cloutier le Prix Gratien-Gélinas en 2011. Après avoir séduit le public avec Scotstown et Cranbourne, l’auteur revient à la charge avec un texte dangereusement brillant, écrit dans une langue acérée et sincère qui fait plus d’une victime.
La maman d’Alice anticipe le moment où elle dira sa façon de penser aux parents de Billy, convaincue d’avoir affaire à un homme et une femme qui négligent leur garçon, trop occupés qu’ils sont à attendre leur chèque de B.S. et à s’acheter des beignes graisseux, pendant que leur petit attend, affamé, dans la voiture, les fenêtres fermées.
De son côté, le père de Billy s’étouffe avec sa rage en imaginant ce qu’il dira à Martine, l’éducatrice en garderie de Billy et d’Alice, qui a pointé du doigt son petit quand est venu le temps de trouver un coupable à l’épidémie de poux. Outré que son enfant ait été la cible des accusations, alors que sa compagne vérifie la tête du petit tous les matins pour éviter de tels problèmes, le papa se sait victime de préjugés et n’entend pas laisser son garçon être la risée des amis de la garderie, ni de leurs parents.
Finalement, une employée de commission scolaire consacre le plus clair de son temps à écouter la radio, à juger les envies de ses collègues et à attendre un foutu babillard qu’elle a demandé il y a des mois. Un babillard que ne peut installer le préposé à l’installation et à l’entretien des outils d’affichage, ci-nommé le papa de Billy, tant que le système n’aura pas accepté la demande de la vieille radoteuse.
Champions du chialage, maîtres de l’inaction, fiers partisans des préjugés, apôtres de la non-communication, les trois personnages sont tellement peu enclins à ouvrir leur esprit et partager leurs points de vue qu’ils risquent d’en devenir malades.
Au rythme où s’enchaînent les coups de gueule et les déclarations-chocs, avec un humour et un sens de la répartie fabuleux, les spectateurs expérimentent une série de réactions : le sourire complice, l’éclat de rire libérateur, le front plissé plein de jugements, la honte d’avoir entendu ce qu’ils ont toujours pensé sans oser l’exprimer. Bref, ils comprennent que sans être des copies conformes des personnages qui s’époumonent sur scène chacun dans leur coin, ils ne sont ni mieux, ni pire que les membres du trio.
Dans une structure où les récriminations des trois personnages se chevauchent à un rythme infernal, le metteur en scène Sylvain Bélanger dirige ses acteurs de main de maître. À la fois touchants et forts en gueule, attachants et repoussants, profondément dérangeants et parfaitement représentatifs de notre société, les personnages interprétés avec justesse par Guillaume Cyr, Louise Bombardier et Catherine Larochelle risquent de s’imprégner dans notre imaginaire pendant longtemps.
Une fois encore, Fabien Cloutier nous offre un portrait social lucide, drôle, émouvant, confrontant et explosif.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Billy (les jours du hurlement)
Théâtre La Licorne – 9 au 27 septembre
Théâtre Périscope – 15 octobre au 2 novembre
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