Alors que les fidèles de La Licorne sont habitués depuis des années aux découvertes théâtrales signées par de brillants auteurs écossais et irlandais, les amateurs du Prospero peuvent également faire de même en allant voir une œuvre du dramaturge irlandais Martin McDonagh. Avec juste ce qu’il faut de poésie sale, de vérité brute, de violence psychologique et d’absurdité, « L’Ouest solitaire » décape et surprend.
Merveilleusement bien traduit par Fanny Britt, le texte de MacDonagh plonge les amateurs de théâtre dans un bled perdu : un village considéré comme la capitale mondiale du meurtre, où sévissent entre autres un curé désemparé vivant au moins une dizaine de crises de foi par semaine, une jeune fille qui alterne entre l’ironie et la mélancolie pour se construire une identité, et deux frères qui ne cessent de se faire souffrir.
Sous le sceau de l’absurdité, de l’humour noir, du sarcasme bien entraîné et de réplique assassine, le duo de frangins démontre sans retenue jusqu’où peut mener la haine fraternelle. Coups pendables, vols, mensonges, insultes, batailles, rien n’est trop violent ni trop méchant pour ces deux êtres brutalement humains. Malgré l’énormité de leur situation et même s’ils vivent au creux du détour du trou du cul du bout du monde, ces deux hommes ressemblent à bien des frères et des sœurs qui n’ont que faire du respect et de la bonne entente.
Même si la salle intime du Prospero est à déconseiller à toute personne un tant soit peu claustrophobe et qu’elle provoque des échos désagréables lorsque les comédiens crient, le lieu confère à l’histoire une proximité non négligeable. Bien malin celui qui restera indifférent à ces frères qui se haïssent même en dormant, à cette jeune fille désabusée et à ce prêtre blasé.
Malheureusement, plusieurs répliques se perdent au vol en raison d’une diction relâchée par moment et d’une tendance à bouger meubles et objets avec fracas pendant des portions de dialogues. Le jeu inégal de Frédéric-Antoine Guimond n’arrive pas plus à nous émouvoir, tant les émotions qu’il insuffle à son curé semblent forcées. Malgré tout, la distribution demeure la force du spectacle. D’une vérité aussi enlevante que dérangeante, Marc-André Thibault, Lucien Bergeron et Marie-Ève Milot offrent de solides prestations.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Théâtre Prospero
17 septembre au 5 octobre 2013
*Crédit photo : Jean-François Noël
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