Jouissive, libératrice et follement brillante, la pièce « L’assassinat du président » est un condensé d’absurdité, de critique sociale et d’autodérision qui offre aux spectateurs l’exutoire parfait avant de replonger dans un automne de querelles idéologiques et de vieilles magouilles mises à jour.
Imaginé par Guillaume Tremblay et Olivier Morin, qui nous avaient donné l’incomparable Clotaire Rapaille, l’opéra rock, L’assassinat du président transporte les spectateurs dans le Québec de 2022, alors que le gouvernement tient un référendum annuel pour éviter la chicane, convaincu que les camps du NON et du OUI ne feront jamais le poids face à l’écrasante majorité du PEUT-ÊTRE, portée par le caquiste François Legault. Après des années d’exil en Suisse, Gilles Duceppe revient en territoire québécois pour mener le pays à l’indépendance, inspiré par les paroles de son défunt père Jean Duceppe, secondé par le hip-hop franco-fier de Biz des Loco Locass et soutenu par les cours de diction de Serge Postigo. À son retour, l’ex-chef du Bloc québécois découvre une province où la culture se résume littéralement à une poignée de « comédies musicales de marde », se fait talonner par Pauline Marois qui tente de l’avertir des menaces d’attaque à la souffleuse qui planent sur lui et s’oppose à la vacuité du premier ministre canadien, Stéphane Gendron.
Les éclats de rire défilent, les instants de surprise se succèdent et les moments de réflexion s’incrustent un peu partout, laissant entrevoir un texte où l’intelligence et le sens du divertissement créent un rythme de croisière magistral. L’assassinat du président est un merveilleux exercice de défoulement et de rigolade qui n’épargne personne : les partis politiques reçoivent tous une dizaine de claques derrière la tête, la plupart des théâtres montréalais se font maltraiter et les goûts musicaux des Québécois en prennent pour leur rhume.
Franchement plus incisifs que les auteurs des « Revues et corrigées » présentées au Rideau-Vert depuis des années, Tremblay et Morin possèdent un humour et un sens critique qui feraient d’eux d’excellents candidats pour écrire de futures éditions du Bye Bye. Composant avec des moyens rachitiques, la production compense avec une débrouillardise pleine d’originalité et de candeur : des fruits broyés au mixeur symbolisent la mort d’un personnage, la partie poilue d’un ballet personnifie un chien d’une laideur légendaire et de nombreuses d’astuces de bruiteur nous font rigoler tout au long de la pièce.
Malgré quelques très brefs temps morts, L’Assassinat du président frôle le génie pendant les trois premiers quarts de la pièce. Au moment où les spectateurs ont le sentiment que la boucle a été bouclée et que les acteurs se tiennent devant eux pour recevoir des applaudissements nourris, une deuxième fin se met en branle. Inutile, n’ayant pratiquement rien de bon à offrir et poussant l’absurdité jusque-là parfaitement calibrée à franchir les limites de l’agréable, cette autre fin dresse un parallèle entre « Rise of the Planet of the Apes » et un désir d’émancipation et d’indépendance de la race canine. Acteurs et actrice reviennent sur scène « déguisés » en chiens, font des mauvais jeux de mots et essaient bien maladroitement de faire des liens entre la cause souverainiste, les réflexes de soumission des cabots et les défis de l’affranchissement et de la cohabitation des races. C’est lourd, c’est long et c’est ridicule.
Les spectateurs capables d’effacer ces vingt malheureuses minutes de leur mémoire auront la divine impression d’avoir vu de jeunes artistes aller au bout de leurs envies, libres de créer comme bon leur semble et d’imaginer une pièce aussi décomplexée que pourrait l’être le Québec souverain du futur.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Crédit photo : Toma Iczkovits
L’assassinat du président – 3 au 21 septembre
Salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui
http://www.theatredaujourdhui.qc.ca/assassinat
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