Oeuvre phare de l'auteur Réjean Ducharme, « Ha ha!.. » est actuellement présentée au TNM pour la 3e fois en 60 ans, après que les metteurs en scène Jean-Pierre Ronfard et Lorraine Pintal nous aient offert leurs visions respectives. Jusqu’au 10 décembre prochain, Dominic Champagne s’approprie le texte de Réjean Ducharme en compagnie d’un quatuor d’acteurs qui font de la cruauté le plus fabuleux des terrains de jeu.
Disons-le tout de suite, l’univers de Réjean Ducharme est loin d’être le plus facile à apprivoiser. En plus de prendre un malin plaisir à nous mener dans une direction avant de nous perdre en chemin, le dramaturge s’approprie la langue en lui faisant dire à peu près n’importe quoi. Après les vingt premières minutes de la pièce, qui sont nécessaires afin de se débarrasser de l’incrédulité et de l’incompréhension qui nous assaillent dès l'ouverture, les spectateurs goûtent à quelque chose de survolté, d’original et de franchement brillant.
Pour les besoins de « Ha ha!... », l’imaginaire incandescent de Réjean Ducharme a donné vie à Roger, un faux-poète qui possède autant de talent que nous avons de raisons d’apprécier son existence, Sophie, une femme qui recherche constamment la passion, la complication et le renouveau, Bernard, un alcoolique fini qui n’a plus rien de bon à offrir à la vie, et Mimi, une lente d’esprit qui souffre dès qu’on la touche. Deux couples vivant sous le même toit, quatre adultes ne se lassant pratiquement jamais du plaisir de jouer, de ne pas grandir, de ne pas suivre la ligne et de faire brûler les conventions, au risque de s’entre-déchirer et de se noyer dans le pathétisme de la cruauté.
Réjean Ducharme se permet de jouer avec les mots, les expressions, les structures de phrases, les consonances et tout ce que la langue met à sa disposition pour nous ébranler et nous divertir. Marc Béland et Sophie Cadieux nous prouvent une fois de plus qu’ils sont dignes des ligues majeures du théâtre québécois, alors qu’Anne-Marie Cadieux est une leçon de théâtre à elle seule. Investissement physique, laisser-aller, sens du timing, intériorisation de personnages peu communs, maîtrise d’une langue tordue et délirante, la distribution de « Ha ha!... » fait flèche de tout bois.
Profitant d’un talent incontestable pour la direction d’acteurs, le metteur en scène Dominic Champagne réussit à chorégraphier ce furieux chaos à la perfection. Les 4 acteurs qu’il a sous la main nous donnent l’impression de faire de l’improvisation maitrisée avec une virtuosité qui est à couper le souffle.
Bien que la pièce gagnerait à durer deux heures au lieu de trois, on sort du Théâtre du Nouveau Monde avec la conviction réjouissante d’avoir assisté à un événement théâtral qu'il nous était impossible de manquer.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
TNM – 15 novembre au 10 décembre
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Bien que la pièce gagnerait à durer deux heures au lieu de trois, on sort du Théâtre du Nouveau Monde avec la conviction réjouissante d’avoir assisté à un événement théâtral qu'il nous était impossible de manquer.
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