mercredi 9 novembre 2011

“L’Affiche” à l’Espace Libre : se faire mitrailler la tête et le cœur pendant 2 heures

Œuvre puissante, œuvre phare, œuvre nécessaire, « L’Affiche » écrite et mise en scène par Philippe Ducros reprend du service à l’Espace Libre jusqu’au 26 novembre. L’œuvre de Ducros est littéralement portée par une distribution, une mise en scène et un texte qui sont à couper le souffle.

Le programme de la soirée affiche très clairement la réalité à la base de l’histoire qui nous est catapultée en plein visage : « En Palestine, lorsque quelqu’un meurt d’une cause reliée directement à l’occupation, des factions s’approprient sa mort, font une affiche avec la photo du martyr et en tapissent les murs du pays. Les murs sont complètement recouverts d’affiches. » La pièce de Philippe Ducros s’ouvre à la mort d’un jeune martyr de 16 ans et se poursuit avec la réaction d’un père qui s’étourdit avec le bruit des machines reproduisant les fameuses affiches, celle de la mère qui transforme son défunt fils en héros, celle du soldat qui a fait traverser une balle dans le corps de l’adolescent, des voisins, eux aussi victimes de leurs méthodes kamikazes, du mur, de l’occupation, des checkpoints, du soleil qui ne se rend plus jusqu’à eux, des oliviers de leurs ancêtres qui sont déracinés des terres qui leur sont volées. Tandis que le soldat israélien est troublé par un geste posé contre le peuple de cette « Palestine qui n’existe pas », un Palestinien participe à la construction du mur séparant son peuple du reste du monde. Puissant paradoxe que voilà.

Au lieu de sombrer dans la facilité d’une écriture manichéenne où le Bien et le Mal sont clairement identifiés, où l’on doit choisir son camp et où les gentils vainquent inévitablement à la fin, Philippe Ducros prend le camp de l’humanité, de ses failles, de ses contradictions, de ses cris du cœur, de ses envies de survie et de vengeance. Ses thèmes sont assurément d’une lourdeur et d’une profondeur abyssale, ses personnages et ses enjeux prennent du temps à s’installer et à se clarifier, mais l’auteur arrive tout de même à nous ébranler et à nous conscientiser en allant au bout de tout ce qu’il veut affirmer dans sa pièce. Du grand théâtre.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

Espace Libre – 8 au 26 novembre 2011
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