mardi 18 septembre 2012

Critique de « II (deux) » à la Petite Licorne : deux solitudes qui s’automutilent


On pourrait tenter de résumer « II (deux) » en faisant mention de cette guerre qui gronde en silence dans le cœur et dans la tête d’un couple d’amoureux : un policier blanc conservateur et une femme d’affaires musulmane. Cependant, les spectateurs qui se déplaceront à la Petite Licorne comprendront que tout un lot de nuances s’impose.

Au départ, l’homme d’un certain âge tombe follement amoureux d’une jeune Tunisienne rencontrée en voyage. Curieux de découvrir le monde, séduisant une étrangère, mariant celle qui ne partage ni sa nationalité, ni sa religion, il n’a rien du raciste que ses anciens collègues policiers cuisinent aujourd’hui en salle d’interrogatoire pour le crime odieux qu’il avoue avoir commis. 

Lors des nombreux flashbacks auxquels se livrent les deux monologues de la pièce, on apprend que les effets pernicieux de la guerre au terrorisme ont tissé leur toile dans la tête de l'homme et qu’il penche de plus en plus du côté de la suspicion. Même si les explications qu’il nous donne pour justifier son changement de cap s’apparentent à la théorie voulant que ce soit normal pour les jeunes d’être à gauche sur l’échiquier politique, avant de pencher vers la droite avec le temps, il est bien difficile de croire que la vie, le temps, la société et son ignorance grandissante aient un tel effet sur l’amour qu’il porte à sa femme. Malgré tous les efforts qu’il déploie pour convaincre les inspecteurs (et les spectateurs) de son évolution intérieure, on a du mal à le voir devenir raciste et si réfractaire à l’Autre. 

De son côté, mademoiselle n’est pas totalement irréprochable. Plus le temps passe, plus le manque de son pays la ronge : sa langue d’origine qu’elle n’entend pratiquement plus, sa profession de médecin qu’elle n’a pas le droit de pratiquer au Canada, sa culture, ses amis, sa famille. Vient alors la trahison. Mais pas celle que son mari de policier nouvellement raciste imagine. Autre chose. 

Pendant 80 minutes, le texte de Mansel Robinson donne toute la place aux doutes et à la peur, au sein du couple et de la société en entier. Bien que certains passages dévoilent de nouvelles réflexions sur ce thème surexploité depuis des années (tel que le pardon accordé par la femme aux enfants éduqués dans la haine qui ont participé à divers attentats terroristes, mais pas aux vieux qui leur ont lavé le cerveau), l'oeuvre de Robinson est malheureusement remplie de lieux communs et de maladresses. 

Aussi, n’écrit pas qui veut des monologues occupant 90% d’une pièce de théâtre. Ceux de « II (deux) » manquent souvent de rythme et de couleurs, en plus de donner trop peu la parole à la jeune femme.

Pendant que Jean-Marc Dalpé (interprète et traducteur) s’avère juste et crédible dans le rôle du policier blanc aux idées de mononcle, Elkahna Talbi est tout simplement sublime, vraie, investie et criante de vérité dans le rôle de l’immigrante trompeuse et bafouée.

La pièce « II (deux » est loin d’être dénuée d’intérêt, mais il serait bon qu’un auteur ose aller plus loin dans sa réflexion sur le sujet. 

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

4 au 8 novembre 2013 à La Licorne


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