vendredi 14 septembre 2012

« Thérèse et Pierrette à l’École des Saints-Anges » : un must, tout simplement


Le Théâtre Jean Duceppe a fait le choix judicieux d’ouvrir sa nouvelle saison avec l’adaptation théâtrale du roman de Michel Tremblay, Thérèse et Pierrette à l’École des Saints-Anges. Les mots du dramaturge et la mise en scène de Serge Denoncourt offrent au public montréalais un incontournable du théâtre québécois. 

Montréal, printemps 1942, Thérèse et Pierrette fréquentent l’École des Saints-Anges, à une époque où l’éducation est sous la responsabilité des congrégations religieuses. Véritable portrait d’une époque, l’histoire de Tremblay nous fait découvrir une ribambelle de personnages hauts en couleur.  

Âgée d'à peine 11 ans, Thérèse frétille à la vue de Gérard Bleau, un homme de 29 ans qu’on décrit comme une beauté capable de séduire toutes les femmes des environs, mais qui ne peut se résoudre à oublier la fillette qu’il a embrassée au parc quelques jours plus tôt. Pierrette Guérin, la future prostituée des Belles-Sœurs, est une première de classe aux dents croches qui tombera des nues en apprenant qu’elle jouera la Sainte Vierge dans le spectacle à l’école. Simone Côté, jeune fille effacée par la honte de son bec-de-lièvre, revient en classes après une opération visant à corriger le défaut de son visage. Lucienne Boileau, petite grassouillette trop insistante, rêve du jour où les trois fillettes voudront d’elle comme amie, au lieu de la rejeter et de l’humilier. 

Du côté des religieuses, nous faisons également la connaissance de la directrice, sœur Benoîte des Anges, alias Mère Dragon du yable, qui se fera un devoir de critiquer le caprice esthétique de la jeune Côté, déjà passablement amochée en termes d’amour propre, en plus de tenter par tous les moyens de se débarrasser de l’aimable sœur Sainte-Catherine. 

Grâce à une série de vignettes qui font progresser l’histoire avec rythme, Serge Denoncourt présente habilement le Québec des années 40 à un public de nostalgiques et de jeunes curieux. Même si la pauvreté intellectuelle et sexuelle dans laquelle les femmes étaient plongées a grandement évolué, force est d’admettre que plusieurs réalités ont peu changé depuis 1942 : le rapport à l’image, l’importance de faire partie du groupe, la sottise et la méchanceté des enfants de cours d’école, le trouble associé à l’éveil de la sexualité, la difficulté de prendre position face à un amour pédophile consentant, la surprise pimentée de jugement en voyant deux religieuses partagées plus qu’une amitié (cet aspect de l’histoire est toutefois amené trop brusquement dans la pièce) et l’ivresse ressentie en entendant le cri du cœur d’une maman qui ne se gêne pas pour remettre la directrice à sa place.

La comédienne Isabelle Drainville reçoit instantanément la faveur du public en déversant son fiel au nez de sœur Benoite des Anges. Sans être aussi puissante que les colères de Maude Guérin dans Petits fragments de mensonges inutiles ou d’Anne Dorval dans J’ai tué ma mère, la scène où Drainville se vide le cœur est drôle, émouvante et jouissive. 

Dans cette distribution franchement solide, une autre actrice se démarque : Geneviève Schmidt. Bien qu’elle interprète Lucienne Boileau de la même façon qu’elle jouait la jeune fille dans Anna sous les tropiques, présentée au Rideau-Vert l’an dernier, il est pratiquement impossible de ne pas fondre devant ses excès d’énergie, son sens comique et son incroyable candeur. 

Thérèse et Pierrette à l’École des Saints-Anges est une pièce qui nous permet de découvrir une tranche de notre histoire, qui nous surprend, qui nous fait réfléchir, qui nous fait éclater de rire et qui nous émeut aux larmes. 

On serait fou de s’en priver.


Crédit photo : François Brunelle

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