Quand l’Espace GO donne une voix à la gravité légère de l’auteure Fanny Britt, à l’efficacité inventive du metteur en scène Claude Poissant et au talent intempestif d’une distribution cinq étoiles, le public montréalais n’a d’autres choix que de sortir d’une représentation de « Bienveillance » avec un alliage d’émotions, allant de la tendresse mélancolique à la troublante remise en question.
En quittant le théâtre au coin de St-Laurent et de St-Joseph, une question fondamentale planait au-dessus de ma tête : qu’est-ce qui empêche l’homme d’être bon ? Qu’est-ce qui le transforme, le fait bifurquer, le fait s’éloigner de l’être qu’il a été ou qu’il aurait pu devenir ? Est-ce une série de choix, de rencontres, de blessures ? Est-ce la nature profonde de certains humains qui finit par se révéler, le destin qui trouve toujours le moyen de se faufiler ou la vie qui réussit à nous éloigner de notre bonté innée ? Nommez la comme vous le voulez : bonté, aptitude au bonheur, gentillesse, considération pour autrui, capacité de donner. Accompagnez là de quelques autres mots forts populaires dans les livres de psycho pop tels que : loyauté, fidélité, respect, intégrité, et demandez-vous où ils sont passés ?
Comment le personnage de Gilles Jean, avocat pour le genre de firme qui défend tout sauf la veuve et l’orphelin, a-t-il pu se ranger du côté d’une entreprise responsable de la situation critique dans laquelle se trouve le fils de son meilleur ami d’enfance ? Est-il inconscient, désincarné, lâche ? De quelle façon s’y prend-il pour affronter le regard sans malice de son vieil ami, symbole même de l’innocence et de la bienveillance ? Ou la femme de celui-ci, aujourd’hui déphasée par ce que leur fils est en train de traverser ? Ou encore sa mère, véritable métaphore de l’anticapitalisme, partisane des bonnes valeurs à la bonne place ?
Bien que la trame principale de « Bienveillance » puisse sembler lourde présentée ainsi, il est important de parler de toute la tendresse qui se dégage de cette pièce. Les souvenirs évoqués entre les deux amis d’enfance. Les mille et une attentions du père pour son garçon. L’amour évident qui règne entre les deux parents. La complicité qui se dégage entre les cinq comédiens, et plus particulièrement celle que l’on sent entre Patrice Dubois et Dany Michaud, qui nous avait déjà subjugués dans « Les Frères Laforest », il y a quelques années.
Tout est ici mélange de douceur et de blessures.
Chapeau à Claude Poissant d’avoir su guider ses acteurs sur la partition toute particulière de la musicienne des mots qu’est Fanny Britt. À un moment où à un autre, les Dubois et Michaud, Sylvie De Morais, Louise Laprade et Christian E. Roy réussissent à se démarquer en nous émouvant ou en nous déridant.
Outre la présence étrange d’un bref passage chanté et mal écrit vers la fin de la pièce, « Bienveillance » est une splendide réussite.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Espace GO : 2 au 27 octobre
**********************************
Textes récents :
Textes récents :
ARTS VISUELS - Ce samedi après-midi où je suis allé dans une galerie d'art...
THÉÂTRE - "Robin et Marion" au Théâtre d'Aujourd'hui : il faut que jeunesse se passe
THÉÂTRE - "II (deux)" à la Petite Licorne : deux solitudes qui s'automutilent
OPÉRA - La Traviata : grandiose et terne à la fois
THÉÂTRE - Le Mécanicien : cible manquée
THÉÂTRE - Thérèse et Pierrette à l'École des Saints-Anges : un must, tout simplement
THÉÂTRE - "Robin et Marion" au Théâtre d'Aujourd'hui : il faut que jeunesse se passe
THÉÂTRE - "II (deux)" à la Petite Licorne : deux solitudes qui s'automutilent
OPÉRA - La Traviata : grandiose et terne à la fois
THÉÂTRE - Le Mécanicien : cible manquée
THÉÂTRE - Thérèse et Pierrette à l'École des Saints-Anges : un must, tout simplement
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire