samedi 6 octobre 2012

« Les Femmes Savantes » au TNM : une adaptation qui ne passera pas à l’histoire


Après avoir présenté une version grise, métallique et étouffante de l’Histoire du Roi Lear au TNM l’an dernier, voilà que le metteur en scène Denis Marleau troque les mots de Shakespeare pour ceux de Molière, en offrant une adaptation des Femmes Savantes qui nous apparait d’abord fluide et rafraîchissante, avant de nous hypnotiser d’ennui. 

Plusieurs choses séduisent dans les premiers instants de cette histoire nouvellement campée à la fin des années 50, à une époque où les femmes n’avaient pas encore entrepris leur croisade féministe. D’abord, le décor rappelant la cour du Château de Grignan, où la troupe a joué tout l’été avec grand succès, devant plus de 30 000 personnes en Provence. Ensuite, l’amusante opposition entre l’épanouissement par le savoir et celui passant plutôt par le mariage et la vie matrimoniale traditionnelle. 

Si Philaminte, sa belle-sœur Bélise et sa fille Armande se concentrent sur la philosophie, la poésie et l’accumulation de connaissances, il n’en est rien pour la deuxième fille de la famille, Henriette, et son amoureux, Clitandre, qui penchent plutôt pour la simplicité et la passion. En plus d’entraîner nombre de joutes verbales aux profits de leurs positions respectives, ces hommes et ces femmes voient leurs amours encombrées par leurs opinions tranchées. Philaminte juge que la main de son Henriette revient au poète pédant Trissotin, alors que son mari, Chrysale, est d’avis que l’amour véritable entre les deux jeunes tourtereaux devrait triompher. S’en suivra bien sûr une suite de quiproquos visant à faire ressortir les envies véritables de chacun, ainsi qu’une série de doutes au sujet de l’humanité des érudits et de la simplicité d’esprit des amoureux. 

Si la direction de Denis Marleau apporte au texte une limpidité fort appréciable, il n’en demeure pas moins que les rimes et les alexandrins des dialogues finissent par nous lasser. Bien qu’il soit relativement simple de s’habituer à ce vocabulaire formaté, les histoires de Molière finissent tout de même par nous faire décrocher, là où les tragédies en alexandrins d’un Racine arrivent pourtant à nous captiver. 

Christiane Pasquier est comme toujours dans une classe à part, avec son interprétation cassante de la savante Philaminte. L’interprétation physique et cabotine de Carl Béchard (Trissotin) décroche plusieurs éclats de rire aux spectateurs, mais sa tendance à la pitrerie devient aussi lassante que dans les autres classiques dans lesquels il joue d’année en année. Sylvie Léonard est adorable et fait preuve d’un sens du punch admirable en jouant la bourgeoise poseuse Bélise, mais son français international est déficient aux côtés des surdoués que sont Pasquier et Béchard dans le domaine. De manière générale, les membres de la distribution démontrent que leur production est rodée depuis des lustres, mais il s’en dégage tout de même une impression d’automatisme et de mécanique, un peu comme s’ils venaient livrer leurs répliques de façon sentie au bon moment, mais sans réellement jouer ensemble. 

L’idée d’adapter la pièce dans les années 50 est un agréable clin d’œil nous permettant de constater à quel point les femmes ont longtemps été considérées comme le sexe faible, mais jamais on a le sentiment que le nouveau contexte de la pièce apporte un éclairage nouveau aux mots de Molière.

Bien que divertissantes par moments, « Les Femmes Savantes » de Marleau ne passeront pas à l’histoire.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

Crédit photo : Yves Renaud

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