Vendredi soir, j’ai fait mon entrée à la 5e Salle de la Place-des-Arts pour assister au spectacle Grâce à Dieu, Ton Corps, de la compagnie de danse Pigeons International, accompagné par un ami charmant qui ne se doutait pas que sa présence allait carrément rehausser le côté sublime de l’œuvre.
Voyez-vous, cet ami, il vient de tomber en amour. Une heure à peine avant de voir David Rancourt, Natalie Zoey Gauld, Érika Morin, Paul-Antoine Taillefer et Benjamin Kamino faire leur entrée sur scène, j’ai eu droit aux détails de son histoire à lui, à leurs balbutiements, à son sourire ému, à un corps ébranlé de réaliser comme il fait bon d’être aimé. Avant même que la danse ne prenne son envol, j’étais directement branché à la source de ce qui allait défiler sous mes yeux : soit un peu de splendeur.
Grâce à Dieu, ton Corps, c’est une fenêtre qui s’ouvre sur une rencontre entre un Homme et une Femme : la séduction, les premiers ébats, la complicité naissante, la vie qui finit par prendre le dessus. Jusque-là, c’est du joli. Un peu plus tard, alors que la Femme dort étendue devant nous, une marionnette-pantin « personnifiant » l’Homme s’approche de la danseuse. La magie s’installe. Chaque minuscule mouvement du pantin provoque des émotions qui ne cessent de grandir. On devient les témoins de quelques rares moments d'intimité : comme cette fois où la Femme s'endort devant l'Homme-pantin qui la regarde, la contemple, la caresse, et l'embrasse, quelque part entre 1 heure et 4 heures du matin. Jamais je n’aurais cru être touché ainsi par un simple petit bout de bois. Il faut dire que les marionnettistes – plus particulièrement l’homme marionnettiste – sont complètement au service de l’émotion et que leur concentration transporte le regard des spectateurs sur le pantin et la danseuse, mais jamais sur eux.
Soudain, le vent tourne. L’homme semble attaqué par de vieux démons. Il se referme, se retire. Elle tente de l’apaiser, de le conforter, mais rien n’y fait. Rien, sauf un troisième élément. Une autre partenaire avec qui la danse est plus simple, plus fluide, plus naturelle. La Femme les voit ainsi danser, déchirée entre la joie de le voir s’ouvrir à nouveau et la difficulté d’accepter de le voir s’épanouir avec une autre. Jusqu’où acceptera-t-elle de souffrir ? Quelles seront ses limites ? Acceptera-t-elle de revenir ? A-t-il envie qu’elle revienne ? Sont-ils aussi bons l’un pour l’autre qu’ils l’étaient au début ?
La chorégraphie et la trame scénaristique de Grâce à Dieu, ton Corps, ne sont pas aussi puissantes que peuvent l’être celles des œuvres de Dave St-Pierre ou de Mélanie Demers. Il y a beaucoup de beau, un grand talent pour ne pas tout montrer, une fluidité entre les différents tableaux, un habile mélange de douceur, d’intimité, et de rage. Il y a aussi une danseuse (la Femme) qui sur-joue en de rares occasions - malgré une fragilité qui est si souvent belle à voir - un danseur (l’Homme) au visage tellement fermé qu’il en vient à couper certaines des émotions qu’il pourrait transmettre au public, et surtout, 15 ou 20 minutes de trop au spectacle. Un peu comme des amoureux qui se font du mal en continuant une histoire trop longtemps au lieu d'y mettre fin...
Peu importe, les lumières s’éteignent. Je rentre chez moi en écoutant les ballades au piano de Cœur de Pirate, la chanson Mary Jane d’Alanis Morissette, et l’atmosphère musicale d’Alexandre Désilets. Je suis habité. Quelque chose s'est installé en moi. À moins que ce ne soit sur moi. À moins que ce ne soit ce petit pantin qui ne me lâche pas et qui me laisse une image de tendresse dont je ne voudrai plus jamais me départir.
Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Danse --> JUNKYARD/PARADIS : Un coup de poing en pleine gueule, suivi d'une caresse
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