mercredi 23 février 2011

Et si je vous révélais l’envers du décor de l’Opéra de Montréal ?

TOSCA - OPÉRA DE MONTRÉAL - Février 2010

Malgré ma passion dévorante pour le chant et les spectacles à grand déploiement, je n’avais jamais assisté à un spectacle d’opéra avant celui de Werther en janvier dernier. J’avais pourtant deux productions de l’Opéra de Montréal à mon actif…

« Bonjour, ici l’Atelier de costume de l’Opéra de Montréal. On vous appelle pour lotre essayage. » Cette phrase laissée sur la boîte vocale de mon cellulaire il y a plus d’un an est venue confirmer le début d’un conte de fées. Quelques jours plus tôt, j’avais été choisi pour être figurant dans l’opéra TOSCA, présenté sur la scène de Wilfrid-Pelletier en février 2010.

Moi en soldat noir et ténébreux ?
Le costume de cet opéra était fabuleux. Avouez qu’en regardant la petite photo dans le coin supérieur droit de mon blogue, vous devez faire travailler votre imagination pas mal fort pour imaginer une telle transition. Afin de réussir pareil défi, quelques éléments ont été nécessaires : des bottes de cuir, une chemise d’époque et un veston redingote, des pantalons très, très moulants (le genre qui vous font remercier le ciel d’avoir les jambes plus musclées que tout le haut du corps), et un fusil, la quintessence de l’accessoire du mâle figurant.

TOSCA - OPÉRA DE MONTRÉAL - Février 2010

Après une trentaine d’heures de répétitions dans un grand local en compagnie d’un chœur lyrique et de quelques grands chanteurs internationaux engagés par l’Opéra de Montréal, nous faisons nos premiers pas sur la scène de la mythique Wilfrid-Pelletier. C’est à couper le souffle. La salle est immense. Le poids de son histoire est palpable. Près de 3300 personnes se trouveront devant nous dans quelques jours. D’ici là, beaucoup de travail reste à faire. Des déplacements à préciser, une mise en scène à intégrer et des costumes à tester. Tout cela sous la direction de Michael Cavanagh, un metteur en scène qui est à des lieux des clichés associés à son poste. Original, précis, visionnaire, à l’écoute des grands chanteurs autant que des « simples » figurants. Puisque le groupe de six soldats dont je fais partie doit sans cesse prendre part à l’action en imposant le respect et la « terreur » chez les autres figurants, sa direction d’acteur est plus que nécessaire. 

Soir de première : que le spectacle commence !
Le rideau se lève. Tout le gratin montréalais est là. Le critique de La Presse, Claude Gingras, réputé pour être dévastateur. Plusieurs autres médias. Des politiciens. De riches gens d’affaires. Des amoureux de la musique.
TOSCA - OPÉRA DE MONTRÉAL - Février 2010
 
L’interprète du « dangereux » Scarpia, Greer Grimsley en impose, tant par sa stature que par sa voix d’une gravité sans nom. Le mot « puissance » vient de trouver une nouvelle définition. Certains passages dramatiques mêlant sa voix aux notes de l’orchestre sont particulièrement troublants. Ses vibrations résonnent jusque dans nos tripes. Je suis ému. J’ai de la difficulté à me contenir. Je suis sur le bord de la scène et des milliers de personnes me regardent. Je dois rester de glace. Fier et fort comme mon personnage. J’ai l’impression de participer à quelque chose de grandiose. D’historique.

Faire un opéra, ça ne change pas le monde, sauf que…
Je m’amuse à fredonner quelques chansons dites populaires sur la scène avant les spectacles. Je côtoie de grands virtuoses de l’art lyrique depuis des jours. Les vedettes locales et internationales de l’opéra sont presque toutes chaleureuses et très gentilles. J’ai une loge avec des ampoules de lumière autour des miroirs, et un employé s’occupe de nettoyer mon costume le soir venu. À force de fréquenter Wilfrid-Pelletier, je m’étends en coulisse entre chacune de mes présences sur scène comme si la salle était devenue ma deuxième maison. Au début du troisième acte, je profite de ma position  (je suis perché sur un rempart d'environ quatre mètres de haut) pour observer la salle, du parterre jusqu’au troisième balcon. Vision sublime.

TOSCA - OPÉRA DE MONTRÉAL - Février 2010

Le rideau tombe. La foule applaudit à tout rompre. Les « brrravos » fusent de partout, comme dans les films. Nous faisons le salut plusieurs fois. Le rideau se ferme pour de bon. On court en coulisse pour enlever les millimètres de maquillage qu’on a sur le visage et on se rhabille en quittant la salle 10 minutes plus tard, conscients que nous allons croiser dans le métro des centaines de spectateurs qui pourront nous reconnaître grâce à nos cheveux teints en noir (sauf une exception pour le roux,  un certain soir où le noir était en panne sèche !).

Le lendemain, le compte Facebook de l’Opéra de Montréal publie quelques critiques de spectacles, dont celle de Claude Gingras qui s’attarde au travail des figurants. Étrange sensation que de lire quelques lignes sur soi dans La Presse.

À la fin des six représentations, le corps fatigué de la tension constante qu'imposait mon "personnage", fier d’avoir entendu une amie me dire qu’elle a eu besoin de 45 minutes avant de me reconnaitre tant mon attitude et ma démarche étaient différentes de la normale, je plis bagages avec le sentiment du devoir accompli.

CENDRILLON - OPÉRA DE MONTRÉAL - Juin 2010

Un deuxième opéra presque entièrement québécois : Cendrillon
Un deuxième appel de l’Opéra de Montréal, une distribution presque toute québécoise, un metteur en scène français, Renaud Doucet, qui choisit de transposer le conte de Cendrillon dans  une version éclatée des années 50. On me demande cette fois de jouer un des six Monsieurs Propres, ou si vous préférez, le Monsieur Net des publicités de détergent, « fantasme » par excellence de toute femme au foyer de l’époque.

Du linge moulant, toujours plus de linge moulant
Encore une fois, un pantalon blanc serré ; un Léotard moulant qui me fait regretter de n’être musclé que des jambes (calamité), rien dans les pieds (une première dans l’histoire de l’Opéra de Montréal, paraît-il) ; un faux crâne et d’énormes faux sourcils blancs. Un charme de 20 minutes de maquillage avant chaque représentation. Je jubile. J’ai l’impression d’avoir les deux pieds dans le monde artistique. À ma façon.

CENDRILLON - OPÉRA DE MONTRÉAL - Juin 2010

Les décors sont magnifiquement originaux, la mise en scène est joyeusement différente, les chanteurs québécois sont attachants, drôles et talentueux, je gambade la moitié du temps sur scène, on me demande d’aller offrir du pop corn aux spectateurs pendant une projection style ciné-parc, l’hilarante Noëlla Huet (qui joue la méchante Belle-Mère) me pogne une fesse de temps à autre en coulisse, et je termine avec la merveilleuse fée clochette, Marianne Lambert, sur les épaules à tous les soirs.

Avouez que l’idée de travailler 8 heures par jour et de souper en vitesse avant d’aller passer trois ou quatre heures à l’opéra, cinq ou six fois en deux semaines, devant près de 15 000 personnes, il y a pire dans la vie.

Je recommencerais n’importe quand.

Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin  

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4 commentaires:

  1. wow vraiment génial ton blog.
    Moi aussi j'aimerais beaucoup être figurant pour L'Opéra de Montréal, comment avait-tu été choisis ?

    Vincent

    v.bellefleur@hotmail.com

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  2. Merci !

    C'est un processus d'envoi de photos de casting, de mensurations, etc. La plupart du temps, ils choisissent des gens avec une formation d'acteur ou de l'expérience de figuration. Et ils y vont selon leurs besoins. Par exemple, moi, en étant très grand, c'est plus rare que je sois demandé.

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  3. Merci c'est gentil. et quelle rapidité :p
    Je suis membre stagiaire uda et j'ai déjà fait quelques figurations pour film et série télé. Mais à qui doit donc envoyer nos photos de casting/mensurations ? jsuis allé voir sur le site web de L'Opéra de Mtl mais je n'ai rien vu par rapport à ça.

    Merci encore,
    Vincent

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  4. Utilise le courriel que je viens de t'envoyer pour que je réponde à ça. ;-)

    Merci,

    Samuel

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