mercredi 4 avril 2012

"Volte-face et malaises" de Rafaële Germain : aussi puissant qu'une peine d'amour



Il est entré dans ma vie quelques jours après que la chaleur estivale du mois de mars se soit enfuie. J’étais assis dans mon lit, vautré dans mes oreillers, au troisième étage d’un appartement surplombant la belle Hochelaga, lorsque mes doigts s’en sont approchés. Ses premiers mots se sont faufilés, les battements de mon cœur se sont emportés, mes mains sont devenues moites et j’ai compris à cet instant précis qu’il m’avait gagné. Ce roman, cet hymne à la peine d’amour, écrit par une Rafaële Germain maîtrisant parfaitement l’équilibre entre le drame et l’humour, nous invite à découvrir comment se retrouver et se relever.

À 32 ans, Geneviève Creighan vient de se faire laisser par Florian, son amoureux des six dernières années, qu’elle croyait aimer pour les siècles des siècles. En apprenant qu’il la quitte pour une « crisse de hipster à marde avec ses osties de lunettes du Mile-End », elle s’écroule. Enfermée dans le condo de celui qu’elle doit maintenant appeler son « ex », le visage perdu dans la fourrure réconfortante de ses deux chats, noyée dans une quantité d’alcool et de larmes, la belle abandonnée se fait prendre en mains par ses amis, Nicolas et Catherine, qui ne lésinent par sur les mesures d’urgence : déménagement, écoute, conseils, moqueries, surdose de confidences, psychothérapeute imprévisible, nouvel amant au tempérament apaisant, et toujours plus d’alcool. Non seulement les trois personnages sont-ils attachants et incontestablement irrésistibles, mais leur solidarité amicale est à faire pâlir d'envie.

Contrairement aux deux premiers romans de Rafaële Germain qui faisaient l’apanage du célibat, tout en plongeant dans la quête amoureuse d’une jeune trentenaire, « Volte-face et malaises » règle le cas de la rupture et de ses dommages collatéraux. Avec un vocabulaire cru et direct, un rythme haletant, des images percutantes et une cruelle lucidité sur les rapports amoureux, l’auteure nous invite à remonter la pente, étape par étape : la triste nostalgie de « la fois que », le troublant constat que nous faisons partie de la nation des célibataires, l’inévitable nécessité de s’analyser et de réaliser que derrière la rupture se cache toute la « marde » intérieure que nous tentions de dissimuler pendant des années, le tout agrémenté d’une énorme dose d’humour.

En osant scruter les failles, les erreurs et les zones de vulnérabilité de son personnage principal, Rafaële Germain permet à ses lecteurs de se défouler à travers ses mots, d’éclater de rire à tout bout de champ et d’être émus plus souvent qu’à leur tour. Le réalisme des dialogues, le ton franchement moderne et l’impression rafraichissante d’avoir affaire à une jeunesse qui nous ressemble procurent un bien-être immense à toute personne ayant un minimum de recul sur l’une ou l’autre de ses ruptures.

À l’image de l'immense peine d’amour qu’elle dissèque pendant une bonne partie de ses 525 pages, l’histoire de « Volte-face et malaises » est de celles qui font mal au cœur lorsqu’elles se terminent. 


Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
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1 commentaire:

  1. Katerine avec un "k" et pas de "h"13 avril 2012 à 11:08

    Ta critique sur ce roman donne le goût de se précipiter à la librairie pour se le procurer sur le champ! Merci de m'avoir aidé à trouver ma prochaine lecture!

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