Le metteur en scène Denis Marleau continue de célébrer les 30 ans de sa compagnie de création UBU en s’attaquant au classique de William Shakespeare, « L’histoire du Roi Lear », présenté au Théâtre du Nouveau Monde jusqu’au 7 avril. Malgré la brochette d’acteurs ô combien talentueux qu’il a sous la main, Marleau réussit à étouffer cette tragédie pour notre plus grand déplaisir.
Interprété par un Gilles Renaud sensible, viril, puissant et vulnérable, le Roi Lear est un homme vieillissant qui désire partager son pouvoir entre ses filles en leur demandant d’exprimer tout l’amour qu’elles ont pour lui. Lorsque la cadette Cordélia évoque l’amour modéré, mais sincère, qu’elle porte à son père, contrairement à ses deux sœurs, Gonoril et Regan, vaniteuses et avides d’avancement, elle est chassée du royaume. En parallèle se joue le drame familial du Comte de Gloucester et de ses deux fils, Edgar le légitime et Edmond le bâtard. Ce dernier monte son père et son frère l’un contre l’autre, pendant que les deux filles du Roi Lear subissent les frasques de leur père, exigeant, perdu, sénile et clamant à tous vents l’ingratitude de sa descendance.
Certains amateurs de théâtre s’en trouveront pour affirmer que la maltraitance de nos ainés et la force des liens du sang sont des thèmes qui traversent le temps. Pour se sentir réellement interpellé, il aurait toutefois fallu que le drame de ces êtres qui s’entredéchirent ne soit pas traité de la sorte par Denis Marleau et son équipe. La pièce est grise et métallique comme les murs et les bancs du décor ; léchée et désincarnée comme les pages d’un magazine dont on croirait issus les costumes ; froide et vaporeuse comme les images projetées sur les murs ; agaçante comme l’habillage sonore qui nous distrait des dialogues. Les acteurs sont justes et vrais, mais on a l’impression que leurs émotions sont étouffées comme de l’eau qui bout dans un chaudron sur lequel on aurait maintenu le couvercle.
Gilles Renaud, David Boutin, Marie-Hélène Thibault, Pascale Montpetit et Évelyne Rompré ensorcellent notre attention à chacune de leurs répliques, mais on finit par se lasser leurs drames. On n’achète pas la surprise désemparée du vieux monarque en réaction à l’ingratitude de ses filles qu’il semble n'avoir jamais vraiment aimées. On n’est pas du tout convaincu par la dérive des personnages incarnés par Vincent Guillaume-Otis et Paul Savoie. En plus clair, on n’est pas le moindrement touché par le destin de ces ducs, comtes, rois et princesses.
Avec une mise en scène qui tient les spectateurs à distance de ce drame qui aurait pu être puissant, on a l’impression que les tragédies et les trahisons de l’Histoire du Roi Lear ne sont rien d’autre que les ancêtres des feuilletons télévisés de fin d’après-midi.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
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Critique sévêre...mais bien vue. Il est vrai que l'émotion est complètement absente au profit (je n'ai pas dit au bénéfice !) de l'esthétique. C'est très Marleau, c'est peu Shakespear. Mais impossible de ne pas être fasciné par le jeu des acteurs. Ceci compense-t-il cela ??
RépondreSupprimerÉliane
Je suis de ceux qui ont besoin de vivre des émotions au théâtre. Peu importe qu'elles soient provoquées par les acteurs, l'histoire ou l'esthétique, elles doivent être là.
RépondreSupprimerSi l'esthétique étouffe le talent incontestable des acteurs, ça me déçoit.
Certes, vous avez raison. J'avoue être sortie hier du théâtre avec une empreinte purement cérébrale... dépourvue d'émotion. Satisfaisante toutefois pour mes propres critères.
RépondreSupprimerJe me suis d'ailleurs amusée hier soir de constater que le public ne s'est pas levé... signe irréfutable que l'émotion n'était pas au rendez-vous quand on sait que les spectateurs québécois sont immanquablement au garde-à-vous après chaque prestation quelle qu'en soit la qualité (ce qui m'exaspère d'ailleurs au plus haut point, mais c'est un autre débat...)
É.
Je suis bien d'accord avec vous au sujet des ovations trop nombreuses. Bien souvent, les spectateurs sont si heureux de se savoir au théâtre qu'ils prolongent leur plaisir en y allant d'une ovation.
RépondreSupprimerDe mon côté, je me lève seulement lorsque je suis ébloui.