dimanche 11 mars 2012

Les « Dissidents » débarquent à l’Espace GO - Critique

Don de prémonition ou réflexion qui germait dans leurs têtes depuis des mois ? Peu importe les raisons qui ont poussé l’auteur Philippe Ducros et le metteur en scène Patrice Dubois à présenter leur vision des « Dissidents » à ce moment-ci de l’année, toujours est-il que les deux artistes possèdent un sens du timing incroyable.

D’entrée de jeu, la scène de l’Espace GO est dépouillée de décors, laissant toute la place à un homme, accusé d’un crime qu’on imagine horrible. Prisonnier d’un lieu indéfini, il reçoit la visite d’une petite fille (formidablement interprétée par Marilyn Castonguay) et de spécialistes qui veulent comprendre ce qui a pu se produire. Sans jamais vraiment nommer la nature de l’acte commis, Philippe Ducros s’intéresse aux motivations profondes de l’homme. En se moquant de cette idée clichée voulant qu’un acte barbare soit nécessairement le résultat d’une enfance malheureuse ou de n’importe quelle autre épreuve envoyée par la vie, le dramaturge concentre notre attention sur l’homme et sa réflexion.

Une réflexion pour le moins fascinante dans la première moitié du spectacle. Le prisonnier y va d’une série de mensonges et d’esbroufes à travers lesquels se faufile une suite de vérités sur l’état de notre société. Avec une acuité qui nous secoue, l’homme analyse notre humanité en s’en prenant directement à notre façon de vivre, de consommer, de nous résigner et de parler sans agir. C’est donc dire que contrairement à nous, le prisonnier a agi, lui.

On accepte la proposition de « Dissidents » en restant curieux de découvrir ce que l’homme a fait, tout en étant captivés par son propos et ses élans de lucidité. Les deux spécialistes qui le visitent apportent eux aussi leur lot de réflexions intéressantes sur l’être humain, son animalité et la déconstruction de la psyché.

La prémisse du spectacle est brillante, mais elle finit par nous perdre en cours de route. Le spectateur est invité à observer les différentes tactiques visant à extraire un semblant de vérité, mais le chaos intérieur qu’on nous projette est maladroitement écrit et mis en scène. Le propos s’égare. On se met à penser aux futilités de notre quotidien, à défaut de pousser la réflexion un peu plus loin. D'abord incroyablement stimulés, on se sent quelque peu abandonnés par le procédé dramaturgique du chaos et de la dérive en cours de route.

En ce sens, « Dissidents » m'est apparu comme un coït interrompu. Génial au début, il m'a déçu vers la fin. Mais pour avoir osé sortir des sentiers battus, tant par le fond que par la forme, Ducros et Dubois méritent toute notre admiration.

Espace GO – 6 au 31 mars

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
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