En choisissant de conclure la saison des Grands Ballets Canadiens de Montréal en invitant deux chorégraphes allemands, le directeur artistique Gradimir Pankov a ouvert la voie à une soirée particulièrement inégale où la première moitié ne sert pratiquement qu’à aimer davantage la deuxième.
À première vue, les chorégraphes Marco Goecke et Stephan Thoss semblent n’avoir rien d’autre en commun que leur nationalité d’origine, tant le fossé qui se creuse entre leurs œuvres respectives est énorme.
La première section du spectacle est consacrée à un pas de deux exécuté sur la musique de la finale de L’oiseau de feu de Stravinski. Quelque dix minutes à regarder un grand Noir baraqué et une frêle blondinette à la peau pâle essayer de démontrer à grand renfort de mouvements volatiles que l’oiseau peut danser et que l’humain arrive à voler. Malheureusement, rien de cette gentille métaphore n’arrive à se dégager réellement de la scène du Théâtre Maisonneuve, alors que les spectateurs n’ont droit qu’à un simple moment de danse sympathique, mais sans plus.
Entre alors en scène le Pierrot lunaire, supposément inspiré par la légendaire Commedia Dell’Arte et son clown au cœur brisé. Est-ce que l’idée de transposer vers la danse un théâtre de l’exagération était intéressante ? Tout à fait. Excellente même. Est-ce que Marco Goecke et ses interprètes ont réussi à refléter habilement les règles de la Commedia Dell’Arte à travers les nombreux codes de la danse ? Pas du tout. Outre quelques passages de respiration soutenue et exagérée, et de rares expressions faciales à peine plus présentes, jamais on ne sent l’influence Dell’Arte, ni les enjeux entre Pierrot et Colombine. Bien entendu, on sent la détresse de l’homme, son malaise, son déséquilibre. On a l’impression qu’il marche sur des œufs ou qu’il ne sait plus sur quel pied danser. À vrai dire, si ce n’était pas de la direction défaillante de Goecke et de sa musique lyrique aussi désagréablement déconstruite, les interprètes du Pierrot Lunaire s’en tirent relativement bien.
Heureusement que la deuxième partie de la soirée est consacrée à Searching For Home, une chorégraphie qui s’attarde aux multiples personnalités pouvant exister chez une même personne. Ici, lesdites personnalités sortent des murs, entrent par une porte et sortent par l’autre, en plus de s’élancer des deux côtés d’un mur provoquant un semblant d’effet miroir. En dansant sur la musique envoûtante de Philipp Glass, à qui l’ont doit les trames sonores de dizaines de films comme The Hours, Notes on a Scandale et The Illusionist, les interprètes de Searching For Home sont dans un état de grâce, libérés de leurs pulsions, fascinants de beauté et enivrants de non-retenue.
Au final, on ne retient que la deuxième partie signée Stephen Thoss. Magnifique.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Théâtre Maisonneuve – 12 au 21 mai 2011
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