mardi 13 septembre 2011

Critique de « Blackbird » au Prospero : le plaisir jouissif de nager en eaux troubles

Désirant débuter sa nouvelle saison avec une œuvre forte, la direction du Théâtre Prospero a reprogrammé la pièce « Blackbird », 3 ans après sa première présentation. La pièce écrite par David Harrower est de toute évidence un petit bijou d’écriture qui ne peut faire autrement que de donner raison aux dirigeants du théâtre de la rue Ontario.

La présence indéniable de Gabriel Arcand se fait sentir sur scène dès les premiers instants. Peu à peu, Marie-Ève Pelletier nous démontre qu’elle a tout ce qu’il faut pour tenir tête à ce grand du théâtre québécois. L’homme et la femme qu’ils interprètent partagent un passé trouble qui n’a pas finit de laisser des traces. Ils sont à la fois chasseurs et chassés, torturés, blessés, vibrants et criants de vérité. Elle l’accuse, il tente de se justifier. Elle l’injure, il essaie de se faire pardonner. Les rôles changent. La vérité prend du temps pour se révéler, quitte à ne jamais se dévoiler complètement. Est-il aussi coupable qu’on le croit ? Est-elle réellement une victime ? Jusqu’à quel point ? Mérite-t-il une quelconque forme de pardon ? Est-il un monstre, un demi-monstre ou un homme vulnérable ? Est-elle venue le confronter, se venger ou le retrouver ? Rien n’est tout à fait clair, mais l’intérêt pour cette histoire ne nous lâche pas un seul instant.

La nature quelque peu sordide de Blackbird fait de David Harrower un digne descendant des dramaturges écossais qui nous offrent du théâtre trash de grande qualité depuis plusieurs années. Le talent d’Harrower est d’ailleurs à ce point perceptible grâce au travail de traduction réalisé par Étienne Lepage. Les non-dits verbalisés, les hésitations, les pensées que les deux personnages voudraient oublier dans un coin, cette impression de rythme saccadé, de propos hachurés, tout est formidablement bien rendu.

Bref, en osant nous mettre sous le nez une partie trouble de la réalité, David Harrower arrive à nous bousculer, alors que la direction d’acteurs du metteur en scène Téo Spychalski finit par nous mettre au plancher. Purement et simplement. Et c’est très bien ainsi.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin

*Photo : Dominique Lafond

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