jeudi 22 septembre 2011

“Cantate de guerre” à Aujourd’hui : les dommages collatéraux de la blessure humaine

Une guerre sans pays, des soldats qui vont au bout de tout, qui bafouent, qui humilient, qui violent et qui tuent : voilà ce que propose l’auteur Larry Tremblay en se faisant magicien de l’horreur et manipulateur des bas-fonds de l'humanité.

Présentée jusqu’au 15 octobre dans la salle principale du Théâtre d’Aujourd’hui, la nouvelle création de Larry Tremblay est dénuée de frontières physiques, de noms connus et d’idéologies établies. Le conflit de Cantate de guerre prend racine dans la haine de l’Autre, dans ce désir de l’exterminer, de ne plus l’entendre respirer, de ne plus se savoir regardé, de ne plus craindre d’être défié. Cantate de guerre, c’est le résultat de milliers d’années de conflits armés, c’est la chair d’un soldat qui se consume, c’est le regard d’un enfant qu’on n’ose plus soutenir, c’est l’incapacité à déterminer ce que l’homme peut devenir après s’être désincarné. Cantate de guerre est le résultat d’une observation fine et délicate sur les dommages collatéraux de la blessure humaine.

Le choix de limiter le décor à une série de longs piliers sur lesquels peuvent grimper les acteurs permet à Cantate de guerre de ne pas être identifiée à un conflit des temps modernes ou anciens. Les nombreuses répliques livrées en chœur offrent une charge puissante à certains passages de la pièce, quoique la méthode finit par être diluée à force d’être surutilisée. Les accessoires (barre de fer, couteaux, grillages et autres) ajoutent un aspect rugueux, froid et métallique à l’ambiance générale. Là où la mise en scène pose problème, c’est dans la décision de n’avoir pratiquement aucun échange réel entre les acteurs. Monologues, phrases charcutées, mots isolés, tout est offert à la face du public. À l’exception d’un bref moment vers la fin – littéralement le plus poignant de la soirée – jamais les regards ne se croisent, jamais les mots ne se font face. Ce choix de la metteure en scène Martine Beaulne (à moins qu'il soit imposé à même les directives spéciales de l'auteur) est bien sûr justifié par l'incapacité qu’ont les deux personnages « principaux » de se regarder, mais l’effet s’avère très néfaste sur la réception émotive des spectateurs.

Aux côtés de l'acteur Paul Ahmarani, qui nous livre une interprétation solide d'un autre personnage fêlé, il fallait un talent rare, celui de Mikhaïl Ahooja, pour que l’innocence d’un enfant réussisse à tenir tête à la cruauté d’un tel homme.

De toute évidence, le texte de Larry Tremblay aurait pu faire de Cantate de guerre une œuvre majestueuse, mais certains choix artistiques l’en ont malheureusement empêché.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Théâtre d’Aujourd’hui – 20 septembre au 15 octobre
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