Ouvrant de belle et grande façon la nouvelle saison de l’Usine C, la pièce « Le Fusil de Chasse » est mise en scène par un adepte de l’esthétisme, François Girard, interprétée par une actrice japonaise mythique, Miki Nakatani, et portée par un texte puissant du romancier Yasushi Inoué.
Malgré ces qualités incontournables, Le Fusil de Chasse est loin d’être une œuvre facile à recevoir. Surtitrée en français et livrée en japonais – elle avait été jouée en français par Marie Brassard lors de sa création – la pièce impose une distance émotive avec plusieurs spectateurs. Puisque la partie cartésienne de notre cerveau est occupée à lire et à saisir les subtilités du texte d’Inoué, notre capacité à nous brancher sur les émotions de l’actrice est grandement diminuée.
N’empêche, avant même que Nakatani n’ouvre la bouche, le spectateur est ébloui par le décor du Fusil de Chasse. De l’eau tombe du plafond tel un rideau de larmes, l’actrice marche dans un bassin d’eau rempli de fleurs de lotus, habillée en écolière, prête à nous réciter la première des trois lettres qui servira de trame narrative à tout le spectacle.
Sur scène, une jeune adolescente, fille de suicidée, d’une maîtresse, d’une amoureuse. Sa démarche est toute en retenue, son corps exprime le refus d’accepter ce que sa mère a fait, soit tromper son mari et s’enlever la vie. Pendant la première partie, l’actrice Miki Nakatani – qui vit sa première expérience au théâtre après avoir ébloui le Japon et le reste du monde à la télévision et au cinéma – m’est apparue désincarnée, la gestuelle plaquée et le verbe faux.
Fort heureusement, l’incandescente actrice avait bien plus à offrir aux spectateurs de l’Usine C. Dans la deuxième partie, le bassin de lotus laisse place à un espace rempli de roches sur lesquelles la femme trompée (et également trompeuse) fera rugir le grondement qui sommeille en elle. Guidée dans son explosion par une musique amenée tout en subtilité, Nakatani finit par se laisser aller en y mettant toute la gomme. Elle est charnelle, fière, séductrice, tentaculaire, amante, femme, trompeuse, trompée et rageuse. On y est.
Arrive ensuite la mère de l’une et maîtresse du mari de l’autre. Les roches laissent alors place à un plancher de bois et à « l’assemblage » fascinant du kimono de cette amoureuse trépassée. Posée, sereine, pure, la maîtresse suicidaire explique dans une lettre adressée à son amour les raisons de son suicide. Elle lui révèle ce qu’elle appelle son « moi » profond, ce côté passionnel et dangereux qui existe en tout être humain.
Jusqu’à la fin, chacun des gestes de l’actrice s’avère à la hauteur du texte de Yasushi Inoué : hypnotisant, froid et hermétique pour certains, puissant, chargé et transcendant pour d’autres.
Les dernières secondes défilent, un éclat de blanc éclaire Nakatani, elle s’agenouille, émue, ébranlée, comme la plupart des spectateurs qui quittent la salle après l’avoir ovationnée.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Malgré ces qualités incontournables, Le Fusil de Chasse est loin d’être une œuvre facile à recevoir. Surtitrée en français et livrée en japonais – elle avait été jouée en français par Marie Brassard lors de sa création – la pièce impose une distance émotive avec plusieurs spectateurs. Puisque la partie cartésienne de notre cerveau est occupée à lire et à saisir les subtilités du texte d’Inoué, notre capacité à nous brancher sur les émotions de l’actrice est grandement diminuée.
N’empêche, avant même que Nakatani n’ouvre la bouche, le spectateur est ébloui par le décor du Fusil de Chasse. De l’eau tombe du plafond tel un rideau de larmes, l’actrice marche dans un bassin d’eau rempli de fleurs de lotus, habillée en écolière, prête à nous réciter la première des trois lettres qui servira de trame narrative à tout le spectacle.
Sur scène, une jeune adolescente, fille de suicidée, d’une maîtresse, d’une amoureuse. Sa démarche est toute en retenue, son corps exprime le refus d’accepter ce que sa mère a fait, soit tromper son mari et s’enlever la vie. Pendant la première partie, l’actrice Miki Nakatani – qui vit sa première expérience au théâtre après avoir ébloui le Japon et le reste du monde à la télévision et au cinéma – m’est apparue désincarnée, la gestuelle plaquée et le verbe faux.
Fort heureusement, l’incandescente actrice avait bien plus à offrir aux spectateurs de l’Usine C. Dans la deuxième partie, le bassin de lotus laisse place à un espace rempli de roches sur lesquelles la femme trompée (et également trompeuse) fera rugir le grondement qui sommeille en elle. Guidée dans son explosion par une musique amenée tout en subtilité, Nakatani finit par se laisser aller en y mettant toute la gomme. Elle est charnelle, fière, séductrice, tentaculaire, amante, femme, trompeuse, trompée et rageuse. On y est.
Arrive ensuite la mère de l’une et maîtresse du mari de l’autre. Les roches laissent alors place à un plancher de bois et à « l’assemblage » fascinant du kimono de cette amoureuse trépassée. Posée, sereine, pure, la maîtresse suicidaire explique dans une lettre adressée à son amour les raisons de son suicide. Elle lui révèle ce qu’elle appelle son « moi » profond, ce côté passionnel et dangereux qui existe en tout être humain.
Jusqu’à la fin, chacun des gestes de l’actrice s’avère à la hauteur du texte de Yasushi Inoué : hypnotisant, froid et hermétique pour certains, puissant, chargé et transcendant pour d’autres.
Les dernières secondes défilent, un éclat de blanc éclaire Nakatani, elle s’agenouille, émue, ébranlée, comme la plupart des spectateurs qui quittent la salle après l’avoir ovationnée.
Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire