vendredi 10 février 2012

Faire son deuil d’une carrière en chanson ? Pas si simple…

Je chante depuis 6 ans. Je chantonne depuis toujours.

Je suis le petit garçon qui s’époumone dans sa chambre du rez-de-chaussée, la fenêtre grande ouverte, donnant sur la rue, pour que les voisins puissent « profiter » des succès de Marjo, Marie Carmen,  Kathleen, France Gall et Marie-Denise Pelletier. Celui qu’on entend fredonner Le Petit Renne au Nez Rouge, Vive le Vent et Sainte Nuit un peu plus fort que les autres, pendant les spectacles de Noël.

Je suis le préadolescent qui se bat pour continuer d’utiliser sa voix aiguë de petit garçon en accompagnant Céline Dion, Whitney Houston, Lara Fabian et Mariah Carey.

Je suis l'adolescent de 17 ans qui habite au 9e étage des résidences du Cégep de Jonquière et qui prend l’ascenseur en s’imaginant que personne ne l’entend chanter une fois à l’intérieur...

Je suis le jeune adulte en quête d’amour propre et d’attention, conscient de son potentiel vocal, qui a le réflexe inconscient de chanter pour attirer les compliments. Celui qui chante sur la rue en allant faire son épicerie et qui peut difficilement résister à l’idée d’interrompre une conversation pour chanter un petit bout de chanson qui vient de se glisser à son oreille. Celui qui croit que la puissance vocale est l’un des sentiments les plus libérateurs qui existent sur terre en goûtant à la délicieuse impression d’exister après toutes ces années.

Je suis le gars de 20 à 25 ans qui prend conscience du rapport intime qui unit sa voix et sa valeur. Celui qui découvre que son corps devient rigide quand vient le temps de prouver quelque chose à quelqu’un. Celui qui laisse sa tête prendre en charge sa respiration, son support et sa justesse, au lieu de laisser son corps faire le travail instinctivement. Celui qui refuse de chanter dans les karaokés parce que la qualité du son et les tonalités offertes provoquent chaque fois une déception qu’il n’est pas encore capable d’assumer. Celui qui arrête de chanter dans la rue et dans les lieux publics parce qu’il n’a plus besoin de l’attention des autres pour se sentir vibrer.

Je suis aussi le gars de 20 à 25 ans qui n’aura jamais besoin de se battre pour arriver à exprimer ses émotions en chantant. Parce que même lorsqu’il a l’impression d’être au neutre, il a le pouvoir de transmettre. Parce que cette hypersensibilité qui l’a tant fragilisé pendant des années est en train de devenir sa plus grande alliée.

Je suis celui qui développe une réelle dépendance pour les chansons à textes et qui peut désormais passer des semaines sans s’arracher les poumons en chantant (mais qui aime quand même s’amuser à le faire une fois de temps en temps).

Je suis celui qui chante en public pour la première fois au mariage d’une amie en faisant pleurer le tiers des 150 invités et qui réalise que les compliments qu’on lui fait ne sont pas aussi bons que le sentiment de chanter sans se juger pendant 4 minutes.

Je suis celui qui recommence à chanter dans les rues et dans les lieux publics parce qu’il ne le fait (presque) plus pour attirer l’attention, mais seulement pour apprendre à se laisser aller. Celui qui sera capable de chanter du Josh Groban d’ici deux ou trois ans, mais qui préfère apprendre à chanter du Ingrid St-Pierre depuis quelques mois.

Je suis celui qui vit des moments de grâce où son grain de voix et sa capacité d’interprétation pourraient lui permettre de faire carrière, mais qui n’est jamais arrivé à rester constant comme les chanteurs professionnels. Celui qui n’arrivera peut-être jamais à vivre ses moments de grâce à l’extérieur de son appartement et de ses cours de chants, mais qui n’a pourtant pas encore assimilé la nouvelle totalement.

Je suis également ce grand garçon qui sait ce qu’il a gagné en chantant et qui n’arrêtera probablement jamais.

Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
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