S’inspirant de l’histoire tragique de Médée, dont la colère et le cri ont su résonner à travers les siècles, les créateurs de Manhattan Medea ont visiblement essayé de recréer le côté rêche et revanchard de cette femme fatale, mais sans éviter les pièges d’un texte maladroit qui finit par refroidir tout ce qui aurait pu jaillir de cette œuvre.
Après que Violette Chauveau ait joué la Médée d’Eurépide il y a quelques semaines au Théâtre Denise-Pelletier, c’est au tour de l’actrice Geneviève Alarie de porter le cruel destin de cette femme mythique sur les planches de l’Espace GO.
La Médée de Geneviève Alarie prend toute sa dimension dans un Manhattan où elle a trouvé refuge avec son mari Jason, cherchant désespérément à sortir de leur condition après avoir fui leur pays en ruine. Leur quête est longue, semée d’embûches, d’infidélités, de sacrifices, de meurtres et d’égoïsme. Jason et Médée sont prêts à tout pour devenir riches, même à se trahir l’un l’autre. Manhattan Medea concentre d’ailleurs toute son attention sur le sentiment de trahison de Médée, après que Jason ait choisi de la quitter avec leur enfant et de s’installer sous le toit de sa nouvelle bien-aimée, une innocente pucelle qui a le luxe d’être jeune et fortunée. Cette jouvencelle est juste assez fortunée pour faire oublier à Jason l’amour que Médée croyait qu’il avait pour elle. Un amour auquel Médée s’accroche furieusement et désespérément, avant de se résoudre à demander vengeance.
Malgré des thèmes et des enjeux plus grands que nature, le côté particulièrement verbeux de Manhattan Medea - qui sert si bien le propos en certaines circonstances - finit par créer une distance avec les émotions brutes que vivent les acteurs sur scène. On se sent interpellé par les tourments de Médée et Jason, mais une barrière invisible nous empêche de les ressentir pleinement. On les entend sans être ébranlé. On les voit sans les vivre.
Ceci dit, les acteurs essaient tout ce qui est en leur pouvoir pour nous toucher. Le seul regard de Geneviève Alarie sur l’affiche promotionnelle de Manhattan Medea avait suffit pour me donner envie de voir la pièce depuis des mois, et la voilà devant moi en chair et en os, brûlante, excédée, dépassée par les événements, farouche, suave, dotée d’une intelligence vive et d’un sens du tragique juste à point. À ses côtés, Alexandre Goyette interprète un Jason débordant de testostérone qui fait tout en son pouvoir pour avancer en société, mais qui n’a pas la force naturelle de celle qu’il vient d’abandonner. Médée est visiblement plus puissante que Jason, et le jeu des deux acteurs rend très bien cette réalité. À l'inverse, Didier Lucien manque visiblement de raffinement dans sa diction et son interprétation d’un travesti ne va jamais aussi loin que ce à quoi on est en droit de s'attendre de lui. On le sent s’écouter et se regarder lorsqu’il s’esclaffe avec féminité et extravagance. On le sent jouer, au lieu de le sentir être.
D’un point de vue scénographique, les projections du trafic et des gratte-ciels de Manhattan, ainsi que l’incursion des indices boursiers lors de certaines transitions, sont particulièrement réussis, alors que la musique qui accompagne la tempête intérieure de Médée permet à l'oeuvre d'être bercée par des images presque cinématographiques.
Il y a beaucoup de bon et de beau dans Manhattan Medea. Il y a même une actrice qui réussit à tenir une pièce de théâtre sur ses épaules du début à la fin grâce à sa fougue et à sa capacité à nuancer ses excès de colère. Cependant, lorsque la courbe dramatique d’une œuvre impose à cette même actrice d’aller constamment jouer dans une zone d’extrême intensité, l’équilibre émotif de la pièce est à jamais perdu, laissant le spectateur intéressé, mais principalement déçu.
Après que Violette Chauveau ait joué la Médée d’Eurépide il y a quelques semaines au Théâtre Denise-Pelletier, c’est au tour de l’actrice Geneviève Alarie de porter le cruel destin de cette femme mythique sur les planches de l’Espace GO.
La Médée de Geneviève Alarie prend toute sa dimension dans un Manhattan où elle a trouvé refuge avec son mari Jason, cherchant désespérément à sortir de leur condition après avoir fui leur pays en ruine. Leur quête est longue, semée d’embûches, d’infidélités, de sacrifices, de meurtres et d’égoïsme. Jason et Médée sont prêts à tout pour devenir riches, même à se trahir l’un l’autre. Manhattan Medea concentre d’ailleurs toute son attention sur le sentiment de trahison de Médée, après que Jason ait choisi de la quitter avec leur enfant et de s’installer sous le toit de sa nouvelle bien-aimée, une innocente pucelle qui a le luxe d’être jeune et fortunée. Cette jouvencelle est juste assez fortunée pour faire oublier à Jason l’amour que Médée croyait qu’il avait pour elle. Un amour auquel Médée s’accroche furieusement et désespérément, avant de se résoudre à demander vengeance.
Malgré des thèmes et des enjeux plus grands que nature, le côté particulièrement verbeux de Manhattan Medea - qui sert si bien le propos en certaines circonstances - finit par créer une distance avec les émotions brutes que vivent les acteurs sur scène. On se sent interpellé par les tourments de Médée et Jason, mais une barrière invisible nous empêche de les ressentir pleinement. On les entend sans être ébranlé. On les voit sans les vivre.
Ceci dit, les acteurs essaient tout ce qui est en leur pouvoir pour nous toucher. Le seul regard de Geneviève Alarie sur l’affiche promotionnelle de Manhattan Medea avait suffit pour me donner envie de voir la pièce depuis des mois, et la voilà devant moi en chair et en os, brûlante, excédée, dépassée par les événements, farouche, suave, dotée d’une intelligence vive et d’un sens du tragique juste à point. À ses côtés, Alexandre Goyette interprète un Jason débordant de testostérone qui fait tout en son pouvoir pour avancer en société, mais qui n’a pas la force naturelle de celle qu’il vient d’abandonner. Médée est visiblement plus puissante que Jason, et le jeu des deux acteurs rend très bien cette réalité. À l'inverse, Didier Lucien manque visiblement de raffinement dans sa diction et son interprétation d’un travesti ne va jamais aussi loin que ce à quoi on est en droit de s'attendre de lui. On le sent s’écouter et se regarder lorsqu’il s’esclaffe avec féminité et extravagance. On le sent jouer, au lieu de le sentir être.
D’un point de vue scénographique, les projections du trafic et des gratte-ciels de Manhattan, ainsi que l’incursion des indices boursiers lors de certaines transitions, sont particulièrement réussis, alors que la musique qui accompagne la tempête intérieure de Médée permet à l'oeuvre d'être bercée par des images presque cinématographiques.
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Par Samuel Larochelle, dit le Sage Gamin
Espace GO - 29 mars au 23 avril 2011
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